LA CLAIRIÈRE À SOIXANTE ANS
Pour M., en souvenir d’un moment de fraternité clandestine
à l’écoute de Jacques Bertin, Catherine Ribeiro, toute « notre jeunesse ailée » !
Tu as soixante ans, dis-tu
et tu viens de vivre « un miracle ».
Toute ta vie tu as marché dans la nature
et avant-hier encore
tu as laissé tes pas te guider dans la forêt
jusqu’à une clairière
un beau lieu à la fois
ouvert et protégé
quelque chose alors en toi
s’est ouvert
tu as pensé (murmuré peut-être) :
« j’y suis
c’est ici que je peux vivre
et mourir »
une fleur t’a regardée
et ces mots jamais osés te sont venus
d’« éternité »
de « paradis » même.
Tu as soixante ans et c’était
la première fois que tu entrais
dans le hors-temps
dans le hors-champ
dans le plain chant
de l’éternité
reliée à la nature
ta nature
tu dis : « chaque année je reviendrai
ici, en pèlerinage
pour célébrer ce qui fut donné
et qui désormais me porte. »