Vigie, mars 2013

 

 

ET LA LUMIÈRE REVIENT

Et la lumière revient, une trouée de ciel bleu et la neige qui blanchit. Et la lumière frappe en face sous les falaises, le champ blanc, la combe au loin. Tout cela est assez solennel, assez théâtral. La lumière revient par surprise. C’est toujours par surprise que survient aussi la poésie. Puissé-je exercer mon œil, ma vigilance pour au moins voir venir.

Cette stupeur-là : sur l’écran de l’ordinateur, dans la liste des courriels reçus, le nom de Jaccottet. J’en reste un instant saisi : Antoine Jaccottet est le fondateur de la maison d’édition Le Bruit du Temps. Vive émotion à l’idée de ce fil très ténu qui soudain me relie au vieil homme. Que le fils publie le père, voilà qui ne peut que me toucher, moi dont les livres n’ont peut-être d’autre but que de dialoguer post-mortem avec mes propres fils.

Dans la maison Clément va répétant : « Après beaucoup d’années, nouvelles notes du ravin !… » Philippe Jaccottet. Nulle voix ne m’émeut davantage depuis quelque temps. Nulle voix ne me semble aussi juste. En parler m’est difficile (il faudra prendre le temps de le faire). La voix de Jaccottet se brise, rôde entre les ombres et le silence, et pourtant toujours dégage un espace de clarté et presque de douceur. La lumière apparaît mieux depuis l’ombre. Dire qu’on ne peut pas dire, est sans doute aujourd’hui la meilleure manière de dire. Cela nous reste permis.

Qu’est-ce que vous en pensez, les deux corneilles, là-haut sur votre fil ?

18 mars 2013 

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