Vigie, mai 2025

 

Le fil de la Vigie du Villard quasiment s’interrompt et se tisse désormais ailleurs et autrement, dans les pages que je consacre au suivi de ma famille de Blaireaux (Journal d’un blaireaulogue, rubrique « Blaireauphilie »…). Je continuerai néanmoins à glisser de temps à autres quelques brefs billets de météorologie « intime » ou « alpine », suivant l’actualité. Pour ce mois ce mai, ce fut avant tout cet événement discret et sans conséquences du petit tremblement de terre qui a momentanément affolé les chiens.

 

Dans la nuit pluvieuse les chiens se sont beaucoup agités, Nouchka surtout poussant toutes sortes de gémissements inquiets. Ce n’était pas à cause de l’orage, et la raison de ce tapage n’a été vraiment perceptible que vers 3h40 quand la terre a suffisamment tremblé pour faire bouger certains meubles et réveiller la plupart des habitants de la maison. La première pensée a été pour les blaireaux : comment ressentent-ils un tremblement de terre, blottis dans leur terrier ou fourrageant au plus près du sol ? Je suppose que leur nuit à eux aussi aura été perturbée.

Au matin tout est toujours trempé, les hautes herbes dégoulinantes prises dans le brouillard. L’Écosse en juin, mon premier voyage, me suis-je dit en sortant. Ça crépite en continu dans les feuillages. Rimski marque le plus loin possible dans le ravin, à la limite du territoire. On emprunte avec soin la trace qu’on a formée au fil des jours le long de la clôture et que d’autres bêtes manifestement empruntent aussi. Quand les chiens en tirant me font dévier, je me retrouve absolument trempé.

Les chiens font de grandes ombres dans les hautes herbes, à la façon presque des chevreuils que j’ai vu détaler l’autre nuit dans le viseur de la caméra thermique. On longe la lisière, un cerf nous regarde approcher puis détale. Nul besoin d’aller en Écosse, vraiment, puisque décidément les Highlands viennent à moi. La vue des vaches dans la brume me ramène en Savoie. Les strates mémorielles de nouveau se mélangent quand on pénètre dans le grand bois confus, tremblement de terre en Guyane, une pinède près de Limoges, un souvenir de chute en été et d’attente en automne. Puis trois chevreuils, un mâle et deux femelles adultes, traversent à toute vitesse le dernier champ de la balade, les chiens aboient, les trilles des grives alentour redoublent d’intensité et c’est comme si le brouillard lui-même était porteur de chant.

06/05/25

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