Route, janvier 2014

 

FAIRE DU CHEMIN UN CHEF D’ŒUVRE (2)

 

Midi, six degrés. Grand soleil. La mare du Villard de moins en moins gelée. La route sans obstacle. Et le répit des bêtes.

L’étrangeté, l’intensité d’être là, on ne la ressent que ponctuellement et par surprise. La plupart du temps il faut bien avouer que le voyage est un peu décevant, au mieux agréable, au pire confus, hostile, insensé. On tente avec les mots de lutter contre cette absence de sens. Mais cela va trop vite. On reste insatisfait.

Je veux dire que la voiture va trop vite : ce trajet, il faudrait le faire à pied, avec la possibilité de s’arrêter à loisir et de partir à travers champs, de suivre ces sentiers autrement que par le regard. (Je veux dire que la vie va trop vite : ce trajet unique il faudrait le faire beaucoup plus lentement, avec la possibilité de s’arrêter à loisir et de retourner en arrière…)

Ce trajet quotidien dont je disais hier que j’espérais en faire une sorte de chef-d’œuvre, n’est qu’un pis-aller — qui est aussi cependant la réalité qui m’est échue, et qui n’est pas ce que l’on fait de pire…

Ce trajet quotidien offre à chaque fois la possibilité d’un surgissement, d’un étonnement. J’ai beau ne pas savoir comment contourner l’obstacle de la vitesse et du parcours imposé, je n’en éprouve pas moins certaine reconnaissance et, souvent, un certain bien-être à l’intérieur même de ces contraintes. Les choses ne seraient peut-être pas plus faciles ni moins biaisées si j’allais à pied à mon gré.

L’obligation d’avoir à effectuer ce parcours lève en outre toutes les paresses, et cette question de savoir si on veut ou pas sortir. Le tour obligatoire jette le prisonnier hors de sa cellule ! Quant à la vitesse, n’est-elle pas toujours imposée et les moments où elle semble s’atténuer, je le répète, toujours plus ou moins des leurres ?

Ce n’est pas toi qui décides du rythme du temps. Figures imposées. Si ça pulse trop vite pour toi, reste à croupir sur ton banc, ou bien halète, geints, renâcle : ce n’est pas toi qui mènes la danse.

Mardi 7 janvier

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