Vigie, mai 2012

 

 

BRIBES SANS TITRES SUR LE CHEMIN DE L’ÉCRITURE

 

 

 

 

Printemps radieux, et le parfum encore léger des lilas au début de leur brève floraison. Aujourd’hui Clément a deux ans. Je m’enferme dans le bureau en attendant qu’il se réveille, et tente de retrouver le fil de l’écriture.

4 mai 2012

 

*

 

Cette fois il n’y aura pas eu d’éclats, ni de larmes, ni de klaxons. Léo n’en gardera aucun souvenir, contrairement à son père qui, alors âgé de six ans, revoit si bien ce soir de mai où le visage de François Mitterrand était apparu sur le téléviseur familial, et l’euphorie des parents. On n’attend rien de ce soi-disant « changement ». On est simplement soulagé.

Le lendemain, l’inspection est une autre manière de boucler la boucle est de faire un bilan — non pas de déposer le bilan et des rendre les armes, bien au contraire. Puis je reprends au plus vite le chemin de l’écriture.

 

8 mai 2012

 

*

 

Matin de brume

le pourpre des iris

encore plus profond.

 

J’accompagne Léo jusqu’à son bus à travers un nuage, et  « on dirait qu’il pleut ». Nathalie part à l’école. Je parcours le jardin en compagnie des bêtes (hier un jeune pic-vert a terminé son premier vol sous le museau du chat). Voici le jeune cerisier, le petit pommier couvert de feuilles, les moutons dans la brume, et cette brume qui donne envie d’écrire.

 

Je regagne le bureau, regarde la fenêtre de toit criblée de brume, le poirier fantomatique au sommet duquel chante un merle. Clameurs du matin. Le texte m’attend, L’éloignement bientôt terminé. Je ralentis. J’en écris trop, pour le plaisir de raboter ensuite – je sais qu’un assez long travail sera encore nécessaire pour enlever tout ce qui doit l’être (et il en restera toujours trop, car la nature de ce livre est de déborder, de briser les cadres – à commencer par celui du « récit guyanais » qui m’intéresse assez peu et dont, au fond, j’essaie de me débarrasser).

 

24 mai 2012

 

*

 

Le pique-nique est près. Je m’arrache enfin au travail de correction et de simplification du texte pour partir en famille à Valpelouse ou sur le chemin des marais. Hier, journée estivale. Les enfants ont joué jusqu’à tard. Aujourd’hui les nuages se massent au-dessus de la Chartreuse… 

L’averse de grêle est la plus longue et la plus violente que nous ayons observée depuis notre retour. On se met aux fenêtres. La chienne court et jappe, affolée, la chatte Mouchette miaule. Sur l’herbe verte fraîchement tondue, quelques centaines de balles de ping-pong rebondissent bizarrement. Un ruisseau se forme devant la maison, qui charrie de la glace.

Passée l’averse (quelques éclairs et le tonnerre encore au loin) Nathalie constate : les pâquerettes que je regrettais d’avoir tondu hier sont revenues sous forme de grêlons. Tout le jardin en est parsemé. Le rhododendron a perdu toutes ses fleurs. Le pique-nique restera dans le panier.

 

27 mai 2012

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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