LOUER LE PRINTEMPS
Passé l’averse, passé l’hiver, la lumière est superbe en ce jardin neuf. Fleurs jaunes, fleurs blanches, fleurs roses, pousses vertes, le même miracle chaque année. On ne rêve plus que de morilles et d’escapades.
Au téléphone ma grand-mère tousse terriblement depuis plus d’une semaine. Elle parvient pourtant à reprendre un ton enjoué pour dire que « l’essentiel, c’est que je guérisse ! » Elle ne sait pas qu’elle est atteinte d’un cancer du poumon. Demain, sans doute, elle l’apprendra. Pour cette fois encore on peut feindre l’insouciance et, entre deux quintes de toux, louer le printemps.
5 avril 2011
NOTES DU JARDIN
On trouve dans le jardin une poignée de morilles blondes.
Le bouvreuil mâle, je suppose qu’il fait exprès de choisir, pour se percher et lancer son chant mélancolique, les branches les plus ternes ? Naturellement on ne voit plus que son ventre rouge de grosse pomme mûre, parfaitement incongru dans ces pruniers tout nus…
Dans le hamac guyanais transformé en pirogue, les enfants et le chat rendent visite aux Wayanas. Le temps fait son chemin, avec douceur et cruauté. L’inquiétude n’est jamais loin, qui atténue l’emphase de la joie mais rabote aussi les aspérités les plus coupantes de la tristesse. Précieuse fadeur du quotidien. Les cordes pincées du koto renvoient aux rêves de fuite et de bambous, cet éternel refuge, ma cabane dorée de moine luxueux.
L’ermitage familial, le soir venu, redevient silencieux. Clément, qui s’est aujourd’hui levé pour la première fois tout seul dans son lit, dort profondément. On n’entend plus Léo. Juste le koto et le tic-tac du petit réveil rouge.
Les travaux sont quasiment, et provisoirement, terminés. River est rentré. Ma grand-mère, maintenant, sait. Et le koto accompagne le tic-tac trop pressé du petit réveil rouge.
La première hirondelle c’était, je crois, il y a trois jours.
Le reste, je ne sais plus…
11 avril 2011
© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.