Vigie, août 2008

 

 

 

De ce mois d’août je retiens, hors-textes, la venue de Jean-Loup et Martine au Villard et ce pèlerinage si touchant à Lyon au 23, rue Chevreul ; je me souviens aussi des rires de Léo et de notre insouciance à tous… Mais ce que je retiens surtout, ce sont les longues journées de travaux et le jaune suffoquant de la laine de verre. Il fallait que le toit soit isolé avant l’hiver. Il fallait transformer en bureau pour écrire ces combles branlantes, et le temps pressait. Je travaillais sans patience, tendu, irrité par la laine de verre autant que par ces taches ingrates qui différaient, tout en les préparant, l’abade et l’écriture… Il n’y avait eu alors qu’une seule véritable escapade, à la toute fin août, aux Sept Laux : près de deux-mille mètres de dénivelé avec Léo dans le dos (car je voulais lui montrer ses premiers bouquetins), et un tel bonheur de retrouver la marche, la terre, la pierre, les marmottes, la montagne, le dehors, que j’aurais voulu continuer à monter ainsi des mois durant. (Ces images semblent si proches, si vivantes encore que je m’étonne d’y voir l’enfant si petit, et ma vieille chienne si vaillante…)

Aujourd’hui, en août 2015, on lorgne avec envie vers les crêtes tout en travaillant à l’aménagement de la cave – pour faire de la musique ? − mais le temps presse moins, ou autrement ; on ne craint plus d’avoir froid, on aménage par plaisir plus que par nécessité. La nuit tombe, la chienne ronfle à mes pieds et je mets au propre mes bribes en écoutant le train bleu de Coltrane. Ce n’est peut-être que cela qui restera un temps de cet été : ce sax dans la nuit, et la découverte tardive de Coltrane…

 

*   *   *

 

 

BRIBES D’AOÛT

 

 

 

 

 

Soir d’été

le corps criblé de verre tu bois

une bière blanche.

 

 

Le renard maigre

un moment m’a regardé

puis s’en est allé.

 

 

Ce n’est pas encore la neige

mais la pluie et le vent dehors : 

regarde !

 

 

Amis la table est mise

le plat mijote

le vin est au frais…

 

 

Au 7 août

on sent que les jours

sont plus courts.

 

 

Les vaches sont parties

l’enfant regarde

le pré vide.

 

 

Lascivement la chatte 

s’est lovée dans le jaune

de mon cauchemar…

 

7 au 10 août 2008

 

*

 

 

Belle journée dont on ne voit presque rien. L’été est passé, les nuits tombent vite et l’ombre de la rentrée est partout. La nuit on rêve de lambris et de laine de verre. Léo ne dort jamais aussi bien que lorsque toute la maison résonne du bruit de la scie sauteuse…

 

24 août 2008

 

*

 

 

Village déserté

seul le pivert

poursuit les travaux.

 

Assis au soleil sur les hauteurs du terrain avec Patawa, Onça et Léo, je regarde le Pic de l’Huile en face, la façade ocre de la maison (Nathalie apparaît à la fenêtre), les feuilles des bouleaux agitées par une très légère brise. Léo s’affaire sous les noisetiers à la recherche de bâtons pour Patawa, qu’il nomme Illa. Il l’appelle vainement, tandis qu’elle continue à mastiquer obstinément le même morceau de bois.

 

27 août 2008

 

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

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