Tableaux d’automne
Toute la vallée résonne des premiers coups de tonnerre. Un aigle tourne dans le ciel cerné de noir et l’on repart sous l’averse crépitante. Le beau chien courbe l’échine pour passer sous le fil électrique. Avec son long pelage trempé, sa queue déroulée et ses oreilles dressées, on dirait de nouveau une bête sauvage. Il avance à pas prudents sur les bogues, renifle l’endroit où les sangliers ont gratté, trottine à vive allure sur la trace d’un chevreuil, s’immobilise à l’orée du bois. Le renard qui s’enfuit, il l’a bien senti, mais c’est moi qui le vois.
Bientôt l’averse s’amplifie, et l’on retourne dans la forêt pour se protéger, ramasser les luisantes girolles et suivre la trace des chevreuils. En voici justement qui détale en descente, m’obligeant à quelques pas de danse acrobatique – je ne m’en sors qu’en m’accrochant à une branche. Je connais bien ces sensations de sous-bois, ces odeurs de champignons (je cueille en passant deux ceps superbes), ces silhouettes d’animaux en fuite, tous ces signes qui me disent que l’automne est là. Hier encore c’était l’été et je parlais avec appréhension du temps contraint de septembre ; mais à présent que le moment est venu, je ne ressens plus qu’un sentiment de liberté semi-sauvage qui s’épanouit sous la pluie, comme les parfums et comme les champignons, mais qui dépérit par temps de sécheresse.
Maintenant je me fraie un passage entre les balsamines, remontant le Gelon le long duquel poussent ces petits champignons blancs éphémères amateurs de sols très humides. Voici l’endroit où Nathalie, l’autre jour, a croisé les marcassins et a perdu Rimski dans les ronces : il a fallu aller l’y rechercher et elle est revenue entièrement lacérée. Soleil et pluie, flaques et fleurs, composent sur mon chemin le plus beau des tableaux d’automne.
02/09/22