Vigie, août 2010

 

 

 

DERNIER DIMANCHE D’AOÛT

 

 

 

Le voici déjà revenu, ce dernier dimanche d’août qui marque la fin des vacances. Temps sec, froid, ensoleillé. L’enfant se réveille en pleurant : « Je ne veux pas aller à l’école, je veux partir dans la montagne ! »

Je pars avec lui (ce n’était pas prévu, pas cette fois…).

Longue marche depuis Prodin à travers la forêt, sur les crêtes, et l’on est saisi une fois de plus et presque jusqu’aux larmes par l’odeur des rhodos, l’air pétillant et ce bonheur inouï qu’il y a à pouvoir ainsi aller dans la montagne. Léo bien sûr ne pleure plus du tout et semble avoir oublié toute fatigue.

Ici la lumière change sans cesse, à mesure que s’accrochent ou se décrochent les nuages arrêtés par les falaises. 

Le silence d’ici n’est pas le silence d’en bas ; même le silence du monastère manque de souffle, à côté. 

Joie précaire comme le reflet de nos silhouettes dans l’eau du lac, que le vent efface.

Frissons de joie et de froid.

Bientôt les menaces reviennent sous forme de nuages ou d’enfants bruyants qui s’approchent de la gouille.

« On est arrivés ! »

Nous, on va bientôt repartir, le cœur un peu serré.

L’enfant fait une belle tache rouge sur fond de bleu vif et de vert pâle.

 

*

 

On reste là, comme arrêtés par un sort.

Les enfants sont venus, point si désagréables – des enfants, simplement, qui attrapaient à grands cris les grenouilles – puis ils sont partis. Un groupe de randonneurs est venu aussi, qui est reparti à son tour. Ce soir le lac restera seul avec le vent et les grenouilles endormies.

 

L’été s’en est allé. Sur ma peau la marque d’une violente chute faite à Ouessant s’est déjà presque complètement effacée. Il reste au fond du cœur un gros nœud de tristesse et de gratitude. Tiédeur et fraîcheur alternent et parfois se mêlent. 

 

« C’est quoi, qui fait ce bruit là, au fond ? demande l’enfant, inquiet.

– Un avion.

– Tu le vois ?

– Non. »

 

L’enfant aussi cherche à prolonger, utilisant mon bâton de marche comme épuisette. Le temps s’étire et se contracte. On souffle, on souffre, on s’oublie, on se remémore. On joue encore un peu avec les mots, il parle de Bretagne et de berniques et puis, on ne joue plus du tout. Il s’obstine à chercher le mulot observé il y a un an ou deux ici même : il faut que je fasse encore le tour du lac avec lui, une dernière fois…

 

Le grondement de l’avion.

Le grondement de la montagne.

Le plouf d’une dernière grenouille dans l’eau sombre de la gouille.

 

Il faut bien, au bout du compte, une dernière image, un dernier mot, le dernier signe du point final.

 

29 août 2010

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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