PLUS DE TRACES
Long silence.
Peu de traces. Pas même une image. Des souvenirs de travaux, de poussière, d’herbe rase.
Peu de neige — les rares plaques sont encore celle de décembre.
Plus vraiment d’hiver. La tiédeur. L’entre-deux.
Trilles d’une mésange.
Rumeur ordinaires : on coupe, on brûle, on répare. L’enfant s’affaire à son affût — bruit de ses pas dans l’amoncellement des feuilles.
La chienne surveille la lisière.
C’est le printemps en février.
« Papa, va chercher du bois ! Pourquoi tu écris ?
— Sans raison. »
En contrebas, le long du Gelon, on glisse sur des restes de neige, la glace, les feuilles, les ronces. Le soleil d’hiver se reflète parmi les remous. Léo jette des pierres dans l’eau et sur les coussins translucides que forme la glace. La rumeur du torrent emporte tous les autres sons.
Éclaboussés de lumière, l’enfant et son reflet se brouillent.
L’enfant perd son bout de bois, le rattrape, part en courant.
Assis sans raison, humant, observant, griffonnant quand même comme autrefois ces lignes sans raison.
Pour grimper au-dessus de l’ancien moulin l’enfant s’appuie sur la canne de son arrière-grand-père. Il regarde les ruines et s’exclame : « Ici, il y avait une pièce, et ici le mur s’est effondré ! »
On marche sur un tapis de feuilles mortes pour observer le premier bouquet de primevères.
Passé et présent, printemps et hiver, s’entremêlent.
Longtemps après je me rappelle. Le soleil sur ce versant, l’ombre à quelques pas, les primevères, la neige et la glace, Léo à quatre ans qui montrait le moulin en ruine, et ce double encore jeune qui porte la casquette, la canne et la montre de mon grand-père mort.
La lumière brillait sur la plume du Mont-Blanc.
Il fait doux ici, je disais.
Cette année nous n’avions pas vu l’hiver passer.
Je me taisais.
Je disais: « Les bourgeons rouges des jeunes hêtres gonflent déjà. »
Et puis: «On continue ? »
11 février 2011
© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.