Vigie, janvier 2018

 

Journal d’un grillon en hiver

 

Vigiejanvier2018

 

 

1.

J’ai condamné les étages du terrier déserté, fermé toutes les portes, puis je me suis replié dans le coin le plus sombre de mon trou et je me suis endormi. J’ai dormi longtemps, comme le font certaines bêtes en hiver. La lumière ne parvenait pas jusqu’à moi mais je sentais confusément qu’il faisait déjà nuit, ou encore jour – on n’oublie pas si facilement le monde. J’ai dormi d’un sommeil peuplé de visions, traversé de visites. Tous mes fantômes sont revenus, comme convoqués pour une cérémonie, comme pour me signifier que j’étais des leurs désormais. Je les ai tous retrouvés, tous perdus à nouveau, mais c’était sans tristesse tant je me sentais bien auprès d’eux et tant ils me faisaient fête.

Passé minuit j’ai repris le bel orgue portatif et stridulé jusqu’à l’épuisement le début de l’adagietto de Mahler dans sa transcription pour grillon polyphonique ; puis je me suis emparé du rutilant sax ténor et lancé dans la nuit de longues et vibrantes plaintes d’insecte en partance. J’ai regardé défiler des visages inconnus. J’ai parlé seul, lancé des lignes dans le noir, attendu des réponses qui ne sont pas venues. C’est à ce moment que j’ai senti que le monde bougeait, que la terre bougeait, que tout en moi et autour de moi s’était remis en mouvement.

Le vent s’était levé. Je suis allé consolider une fenêtre du sous-sol, calfeutrer ce qui devait l’être, tout préparer pour la tempête ; puis j’ai rejoint mon poste de guet à l’étage. Tous les chats dormaient, indifférents à la pluie et au vent qui ébouriffaient sans ménagement le vieux poirier du jardin. Le couple de pie est venu s’accrocher un moment aux branches puis s’est envolé à la recherche d’un abri plus sûr. La pluie qui ruisselait des toits des granges parfois repartait à la verticale pour retomber plus loin en cascades. J’ai écouté longtemps les grésillements, les craquements, le souffle rauque de la tempête.

La nuit, le vent sont retombés. Je suis retourné au fond de mon trou et j’ai rêvé d’un long voyage vers les tropiques.

 

 

 

2.

 

Je vogue, je coule, je flotte, je m’agite, je me noie. Dans le noir on entend des bruits d’eau. Avec la force des désirs contrariés l’eau descend de la montagne, s’infiltre dans la terre, contourne les obstacles, ruisselle le long de la rigole qu’on avait creusée pour protéger le terrier mais qui ne suffira peut-être pas, car si le petit torrent clair de la crue se déverse bien dans le trou prévu à cet effet, aspiré ensuite par la pompe qui me sauve de l’inondation, je constate que l’eau suinte quand même entre les dalles, tout près de moi.

Je vogue, je flotte, je rêve d’eau et de dérives en bateau. Quoi qu’on fasse l’eau trouve son chemin, se déverse là où elle devait le faire et, s’il le faut, dévaste tout.

 

 

  

3.

 

Katrina, Ana, Carmen, ou cette Éléanor qui vient d’emporter de façon si tragique notre voisin de Presle M. Robert Sandraz, lors d’une intervention près du Bréda en crue : on donne des noms aux cyclones, aux tempêtes, sans doute pour tenter de rendre humain l’inhumain. Certains noms de bateau, comme celui du pétrolier Érika, résonnent aussi sinistrement dans les mémoires, chargés du poids de la catastrophe qu’ils provoquèrent. Certains mots mêmes finissent par sembler imprononçables, comme ce mot de « cancer » qui, aux premiers temps de la maladie de ma mère, me faisait vomir et que je remplaçais par des périphrases. Il faut sans doute du temps et du courage pour accueillir les mots du malheur.

Moi je ne peux pas, je ne veux pas, je ne peux plus prononcer le nom de ma catastrophe. Je me refuse à lui donner un visage humain. Il reste, à mon échelle infinitésimale, « ma catastrophe ». Ainsi les Juifs désignèrent-ils aussi leur propre et démesurée catastrophe par le mot de Shoah, et les Amérindiens avant eux, et les Palestiniens après.

On a pris mon pays. Je mène seul au fond de mon terrier une guérilla sans espoir, sans objet, sans tragique non plus, lançant au hasard des sons et des mots qui ne blessent personne, dieu merci, mais maintiennent l’illusion d’un combat. Je n’ai pas d’autre ennemi que l’innommable hasard qui a fait de moi ce grillon en hiver, et que j’accueille comme je peux, comme je sais faire – qu’on me pardonne : avec des soliloques…

 

 

  

4.

 

J’avais vingt ans lorsque j’ai vécu ce séjour solitaire du Grillon de l’automne. J’avais vingt ans − ce jeune homme échevelé, souriant, débonnaire, ce fut moi. C’était la fin de l’été, j’étais plein d’incertitudes et de désirs, pas apaisé et bien moins lisse que mon image, mais plein d’émerveillement pour cette montagne que je parcourais jusqu’à l’épuisement, et pour ce lieu que j’ai gardé en moi comme une sorte de talisman.

Me voici revenu à cette situation-là, avec plus de confort sans doute, car la cave que j’occupe est assez bien chauffée et soigneusement aménagée, et plus de compagnie et de tapage aussi grâce aux enfants et à tous les instruments de musique qui m’entourent, mais avec pourtant une plus grande fragilité car, justement, cela fait plus de vingt ans que je n’ai plus vingt ans.

Mon visage dans la glace n’a pas beaucoup changé – tout juste s’est-il légèrement creusé, et la peau a terni. J’ai gardé ma tignasse sombre et bouclée, moins brillante qu’autrefois. Je pèse le même poids, la silhouette est la même, la façon d’être et le regard aussi ; mais je n’ai plus vingt ans, plus l’insouciance, plus la candeur, et plus accès à tous ces possibles que l’on associe à tort ou à raison à cet âge.

Forcément je regrette, j’ai soif de ma jeunesse. Grillon enroué je reprends une fois de plus l’énorme accordéon noir et je stridule dans tous les registres mon Adagietto plein de tendresse, de drame, d’harmonie précaire, de dissonances passagères, de tristesse et de joie.

Au printemps je sortirai peut-être, j’irai marcher dans la montagne tout seul comme au temps de La Giettaz. Je me souviens pourtant qu’il y avait dans une ferme au-dessus du chalet que j’occupais là-haut, un jeune homme qui travaillait à la laiterie et dont je rêvais de me faire un ami parce que marcher seul n’était qu’un pis-aller. J’en ai rêvé, je n’ai rien fait pour aller vers ce rêve. Il y a des rêves qu’on accueille, d’autres qu’on refuse, au risque de se tromper soi-même : peut-être me suis-je trompé de rêve.

Grillon engourdi je me dis assez pathétiquement qu’il n’est peut-être pas trop tard pour, moi aussi, tenter de revenir sur mes pas jusqu’à ce carrefour où je me suis laissé duper (beaucoup d’autres ainsi bifurquent, s’égarent et lorsqu’ils n’y croient plus, se retrouvent) ; pauvre Orphée, il me reste du temps, sans doute, beaucoup de temps, pour chanter mes regrets !

 

 

 

5.

 

« On se moquera de ce soin / Que j’ai mis à partir de loin / Quand d’autres par hélicoptère / Sautent dans le mille à Cythère… », chante avec un certain humour l’ami Bertin pour dire sa façon paradoxale et besogneuse de cheminer vers un « bonheur » exigeant, peut-être utopique.

On se moquera pareillement avec raison de ce type qui, victime d’un banal accident de la vie, se tient enfermé dans sa cave et se prend pour un grillon. On pourra à bon compte lui lancer l’interjection qu’un critique avait assez joliment formulée à l’adresse d’un chanteur jugé un petit peu trop caverneux : « Eh, Nick, sors de ta cave ! »

Trop sérieux. Et puis, aussi, trop égotique, ou trop esthète. Ne pense qu’à lui. Se complait dans ceci ou dans cela. Cherche à faire pitié, manque de courage. Je serai d’ailleurs le premier à lui lancer la pierre, à cet empêtré de la vie ; et je me souviens que ce procès lui avait été fait dès l’enfance, par certains camarades hédonistes, insouciants, futiles, enviables.

C’est pourtant le travail humble et bizarre du poète ou de l’écrivain « du réel », quels que soient par ailleurs l’ampleur et les mérites de son art, que de prendre suffisamment au sérieux sa vie pour ne pas chercher au plus vite les échappatoires qui lui permettraient de retrouver une apparence de bonheur.

Orphée qui revient des enfers après avoir perdu Eurydice, ne s’inscrit pas sur un site de rencontres pour lui trouver une remplaçante (qu’un individu procède ainsi n’a rien de choquant, mais Orphée n’est pas un individu : c’est l’expression mythologique d’un des aspects intangibles de l’humanité); il s’oublie lui-même dans des lamentations qui exaspèrent suffisamment les Ménades, chantres de l’entertainment business de l’époque, pour qu’elles se chargent de le lapider. (Ovide précise par ailleurs qu’Orphée, en mauvais renonçant, se tourne alors vers les garçons, et ce serait cette fois les femmes de Thrace qui, par dépit, se seraient vengées en le lapidant ; pourquoi pas ?)

Celui qui se cache et se montre à travers ces lignes n’est pas tout à fait moi. Moi, je ris, je plaisante, je reste somme toute plein d’allant lorsque je suis en société ; mais dans cet espace de la cave, de la page, de l’écran, « je » redevient cet autre qui englobe bien d’autres « je » solitaires – tous ceux-là qui, pris dans ces mêmes difficultés des routes qui bifurquent et des chemins de traverse, se cherchent, me trouvent parfois, se reconnaissent, m’écrivent dans la nuit, et c’est peu dire que je ne suis pas seul dans ma cave. « Je » suis Orphée, à ma façon. Le démon de la quarantaine qui a emporté mon Eurydice n’a certes pas la noblesse de celui de la mythologie, mon chien à trois têtes a une toute autre gueule d’amour et ma lyre, dont je sais encore si mal me servir, la forme bizarre d’un accordéon ou d’un saxophone ; mais j’ai pour moi cette tâche de garder traces de la traversée, tant qu’elle dure et si dure soit-elle, sans me défausser, sans craindre le noir ni la peur, ni même le ridicule.

Je prends des notes sur l’eau qui suinte et le bateau qui tangue. Écolier appliqué je travaille mon morceau. J’écoute, j’attends, je regarde, j’espère – et j’assume sans plus d’états d’âme cette parole à la première personne qui n’est pas seulement la mienne. Je ne sais pas où va ma route. La fin de l’histoire sera peut-être une tragédie, ou peut-être pas. Je voudrais bien traverser jusqu’au bout, passer le cap de l’esseulement, connaître – on me dit que c’est ce qui arrive souvent après l’hiver – un nouveau printemps. J’y crois, je n’y crois pas. Si cela devait advenir, je ferais de ces notes un livre de confiance et de victoire que j’adresserais à tous ceux qui souffrent ou ont souffert, autant dire au monde entier ! Et si l’hiver dure jusqu’à devenir définitif, paroles et musique me serviront de poêle et la tristesse, de combustible.

C’est ainsi.

 

 

 

6.

 

Les flocons qui s’abattent sur la vallée ce matin sont si fins et si serrés qu’ils semblent une grêle légère, ou de toutes petites billes de polystyrène. En un quart d’heure les prés, la route, les toits sont à nouveau blancs ; mais les arbres restent noirs et nus, et les crêtes du Pic de l’Huile en face noirs et nus également.

Il y a pourtant dans cette désolation quelque chose qui me fouette, qui me plait, qui m’exalte même. C’est peut-être l’enfant en moi qui a envie de crier : encore… Encore la grêle, le vent, et plus de neige, plus de vent ! C’est peut-être le trappeur qui se réveille, qui fait craquer comme neige fraîche sous les raquettes sa carapace d’insecte en mue pour retrouver, ne fût-ce qu’en rêve, pour quelques heures, pour quelques lignes, sa bipédie nomade. Il y a des torrents qui cascadent encore dans ma mémoire et des sentiers de montagne qui chantent une neuve musique qui ramène en arrière ou projette en avant, va savoir, vers un temps et un espace ni funèbres, ni insouciants, où la fleur étrangement s’allie au roc.

Je marche dans le jardin, ma tignasse ébouriffée par les rafales. Soudain je ne crains plus de voir mes cheveux blanchir. Dans les yeux de ma vieille chienne qui trouve encore la force de se lever pour me faire fête chaque fois, je me vois tout blanchi par le temps qu’il fait ou qui passe, et j’accepte tout. J’accepte la tempête, la défaite, la bonté et la cruauté tout en vrac. Je me redresse. Je sens des moignons d’ailes qui me repoussent dans le dos…

Au dehors cependant ça se gâte encore un peu. Encore un peu de vent, un peu plus s’il se peut, dis-je bien fort, encore un peu plus de neige et plus de force dans les torrents ! Grillon en hiver, mon signe noir sur fond de neige : c’est la bannière que je brandis crânement, impudemment, qui claque au vent.

 

 

 

7.

 

« Nous avions toute latitude et toute la vie, aucun engagement d’aucune sorte… mais depuis… »

L’espace, sitôt rouvert, comme un cœur battant se resserre, et sonne le glas paisible de la chanson qu’elle n’entendra et dont ne nous parlerons jamais.

« Nous avions toute latitude… »

Le vent siffle sur la terrasse où un petit garçon continue à jouer seul. Le poulain se serre contre sa mère. 

« Dieu que cette histoire finit mal… »

Pendant quelques heures j’ai vécu une sorte de rêve éveillé qui a éclairé de sa lumière neuve l’horizon faussement bouché. J’ai vu, au lieu de neige, des brassées de fleurs dans le ciel, et partout la possibilité d’un monde meilleur. Une fausse manœuvre a déclenché la sonnerie du réveil et je me suis retrouvé par terre, gros-jean comme devant, les dents dans la poussière de mon rêve − et sans conteste je donne tort au réveil et raison au rêve, seul le rêveur était vivant et dans le vrai mais…

« Mais que devient le rêveur quand le rêve est fini ? » 

Un grillon en hiver.

 

 

 

8.

 

Toute représentation, faut-il le rappeler, suppose une part de fiction, ou, tout du moins (car le terme de fiction me gêne pour ce qu’il suppose d’intention délibérée de déformer cette réalité dont la perception est déjà en elle-même si confuse, diffractée par les rêves, les désirs, les attentes, les peurs et l’énorme paroi de verre de tout ce qui échappe à notre entendement, qu’il ne me semble pas nécessaire d’en rajouter), une part d’imagination, de projection, de transformation ; ainsi ces fragments de journaux qui s’élaborent ici ne sont-ils jamais qu’une série d’arrêts sur image qui, isolés, ne sont pas le film, et dans lesquels l’individu vivant que je suis encore (vivant, bien vivant à cette heure, avec du sang qui bat dans les veines et non de l’encre), se retrouve autant qu’il se perd.

C’est moi, ce n’est pas moi. C’est un terrain de jeu ou un champ de bataille où les forces de vie et de mort mènent, c’est vrai, « un sabbat d’enfer » – ici comme au dehors, comme partout, puisque la pluie qui chante à mes oreilles sa chanson douce au même moment, un peu plus loin, saccage des maisons et des vies.

C’est moi, ce n’est pas moi, c’est plus que moi, c’est un concentré de moi, et au bout du compte une dissolution du moi.

Chaque jour, chaque fois, chaque mois j’imagine, je mets en images et en mots, mes mois divers. Comme tout le monde, comme personne, comme Personne et ses hétéronymes, je suis ondoyant et multiple. Il y a en moi un enfant triste qui tremble devant la vie, et un jeune homme plein d’allant toujours prêt au départ ; un sédentaire accroché à ses murs et un nomade qui le considère avec dédain ; un moine un peu déviant pour qui la prière et le chant ont supplanté l’idée de la divinité, et un hédoniste caché (bien caché) ; un musicien qui redoute les mots, un écrivain qui ne rêve que de notes ; un naturaliste que l’art épuise et qui préfère suivre la voie des oiseaux, un qui leur tourne le dos ; un homme amer, déçu, plein de colère, un autre bon et faible qui comprend et pardonne.

Tous ces mois-là s’opposent, s’équilibrent, se neutralisent et ne trouvent peut-être une cohérence que dans les tensions créatrices du texte qui me cache, qui me révèle, et qui m’indique un chemin si tortueux que je ne sais où aller.

Je reste perplexe, perdu, je n’avance pas, je ne bouge plus, je m’enterre et finalement disparais derrière ma figure d’insecte.

 

 

 

9.

 

Il y a souvent en plein cœur de l’hiver, entre deux débâcles, deux crues, des moments de répit qui font croire au printemps. On sort de son trou et l’on regarde l’herbe couleur paille dans les champs à peine gelés de la vallée sans brume, et l’on sent aussitôt revenir comme un désir de crêtes, comme une envie d’envol. En soi l’insecte stridule sur un ton moins plaintif, presque tendre. Les bêtes des bois aussi sont aux aguets, qui pressentent la fin de la chasse. Une autre saison viendra. On quittera la cave pour la tente, la cellule de moine pour le bivouac, et son trou de grillon pour un nid d’aigle : pourquoi pas ?

 

 

 

10.

 

Si ce rêve qui est encore un rêve souterrain, un rêve de cave, un rêve qui me renvoie à ma situation de pauvre cave, semble à ce point lumineux et bon, c’est d’abord parce que j’y retrouve intacts le visage, le rire et la voix de ma mère. Elle m’accompagne, elle me précède dans la visite d’une nouvelle maison (que de maisons j’aurai ainsi visitées en rêve), qui est une minuscule baraque enchâssée dans plusieurs autres bâtiments au fond d’une ruelle si étroite qu’on ne peut y venir qu’à pied.

L’endroit paraît hostile, fermé de tous côtés, sans fenêtres ni porte. On tente d’abord d’entrer en passant par le garage, mais il est verrouillé. Ma mère, qui semble en pleine forme et presque euphorique devant cette perspective de nouveauté que représente l’installation dans une nouvelle demeure, a déjà fait le tour et trouvé une autre entrée : c’est une petite porte métallique assez semblable à celles qui protègent les entrées des grottes ornées, que nous réussissons à crocheter et qui débouche sur un escalier sombre menant droit au sous-sol.

Je descends derrière elle. Je ne la vois presque plus, je ne vois presque rien mais je me guide au son de sa voix et de ses pas. Nous nous heurtons à un mur épais qui semble boucher complètement le couloir, mais ma mère, avec une lampe de poche, me montre un passage étroit. Il faut se mettre à quatre pattes et ramper pour s’y glisser, et cela semble un jeu d’enfant, comme dans les grottes ou comme à Madère lorsqu’il nous arrivait de passer à pied dans les tunnels des levadas − et les enfants riaient, et elle riait quand l’eau gouttait sur son cou.

Je proteste. Je lui dis que ce lieu me rend claustrophobe et que je n’ai pas tellement envie de m’installer dans cette cave d’où il sera difficile de sortir en cas d’éboulement ; mais je passe quand même et me retrouve dans une petite pièce rectangulaire, sans meubles, sans fenêtre, sans lampe et pourtant baignée par une lumière grise qui semble émaner du béton.

Je sais qu’à cet instant précis je suis profondément heureux.

Le rêve s’arrête là.

 

 

 

11.

 

Puissance de la Parole et de la Volonté

 

(tu parles)

 

Je suis ce que je dis

mon propre personnage je suis

le grillon dans son terrier

furtif silencieux chantant insaisissable, je suis

le délaissé l’inconsolé l’homme éploré mais si je veux

le sage le renonçant l’homme apaisé, 

si je veux je suis vieux

si je veux je suis jeune

je suis mieux

je suis moins

je suis plus

je ne suis plus

que l’ombre sur l’écran de l’autre qui écrit :

je suis ce que je veux

je suis ce que j’écris.

 

  

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

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