La salle en avril

 

 

L’essaim

 

La salle lessaim avril 2017

 

Même d’ici on a pu entendre la clameur montant de la cour, signe manifeste d’un événement exceptionnel à forte charge émotionnelle.

Une bagarre ? Dans cet établissement paisible, elles sont rares, et je ne crois pas avoir, ces dix dernières années, jamais dû intervenir pour faire cesser l’un de ces trépidants affrontements qui, autrefois, dans certains autres établissements plus agités, faisaient hebdomadairement monter la fièvre adolescente autour de deux gaillards occupés à rouler l’un sur l’autre sur le goudron ou dans l’herbe de la cour en se martelant de coups de poing au centre d’un cercle de spectateurs hystériques et ravis (tout au plus ai-je dû une fois, il y a longtemps, séparer deux demoiselles de Troisième qu’on avait montées l’une contre l’autre et qui avaient commencé à s’arracher les cheveux en hurlant – et cet épisode lamentable n’avait provoqué de la part des témoins aucune clameur mais une légitime et muette consternation).

Alors, un incendie, les vivats saluant l’annonce de quelque exploit sportif, une célébration spontanée de l’advenue du printemps ? Une voix apporte assez vite l’explication : comme les oiseaux dans le film d’Hitchcock, les abeilles attaquent, et les élèves sont priés de venir se mettre à l’abri dans le hall.

En fait, elles n’attaquent pas, mais un essaim a suivi sa vieille reine partie en migration et s’est retrouvé dans la cour, au milieu des élèves. On a appelé l’apiculteur, que j’imagine enchanté de l’aubaine. Resté à la fenêtre dans la salle déserte je le vois arriver, puis je vois l’essaim passer juste devant les vitres, masse noire vibrante qui se contracte et se dilate comme un vol d’étourneaux pour finalement disparaître du côté du Bréda. Mathis et Alexis regardent d’en bas la scène, que je tente de photographier d’en haut – juste quelques grains noirs sur le fond blanc des bandes du passage piéton ou sur le bleu limpide du ciel d’avril.

13/04/17

 

 

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