Vigie, janvier 2010

 

 

CLÉMENT

 

L’hiver s’est installé, a pris ses quartiers, partout chez lui et jusqu’au rebord de la fenêtre du toit. On vit calfeutré. Le feu gronde dans la cheminée. La nuit la température descend bien en dessous de zéro et la neige brille sous la lune glacée.

Jours néanmoins paisibles, et que l’on sait précieux (que l’on croyait savoir précieux : relisant ces lignes huit ans plus tard après avoir perdu ma mère, la femme que j’aimais et, sans doute, toute possibilité de vivre la vie pleine et belle que j’espérais, j’enrage de cette candeur…). Le chat Chadek dort en zafu sur le canapé bleu, Onça s’est faufilée jusque dans mon bureau qui lui est en principe interdit. J’accueille secrètement en mon cœur le prochain habitant qui s’appellera Clément, qui pèse à ce jour 500 grammes et dort dans le ventre de sa mère avec les deux poings serrés sur ses yeux fermés, tout comme un déjà-né…

Clément : puisse ce prénom t’être propice. Puisse le monde t’être clément, et puisses-tu l’être à l’égard de ce monde dont la cruauté inquiète. Que tout te soit doux, et que tu sois douceur toi-même. Sois d’ores et déjà le bienvenu parmi nous, qui t’espérons.

(J’accompagne ces paroles de formules et de gestes qui, cinq ans plus tard, au moment où me vient l’envie de replonger dans les carnets du passé pour reconstituer le puzzle des années, ne me parlent plus, et me semblent même bizarrement affectés ; je pense au Royaume d’Emmanuel Carrère : « J’ai été chrétien, je ne le suis plus… » ; je pourrais presque, à un mot près, écrire la même chose.)

 

6 janvier 2010

 

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