Vigie, janvier 2010

 

 

LA DERNIÈRE CHAMBRE

 

 

« J’ai tout perdu… »

« Il est tout froid… »

« Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’on l’a mis dans un sac en plastique ? »

 

Ma grand-mère est enfoncée dans ce fauteuil immense. Elle est pâle, tassée, terrassée, réduite de moitié. On se serre en pleurant. 

 

Nous y sommes donc.

 

Il y a eu ce lent voyage sous le ciel blanc. 

Il y a eu naguère cet autre voyage dont je suis l’un des prolongements : 1956, l’arrivée en France, l’aventure de l’exil.

Il y a la fin du voyage, cette dernière chambre dont la porte noire s’ouvre. 

 

Le voici étendu, calme, beau, maquillé, mort. Mains glacées, visage sans rides, étrange dormeur aux traits de cire – car c’est ainsi que l’on habille chez nous la mort pour la rendre présentable. Il porte sa veste d’anniversaire de mariage, sa dernière tenue.

 

C’est insoutenable. 

On ne peut plus rien dire. 

Juste pleurer, s’incliner, le saluer. 

 

Montluçon, 30 janvier 2010 (repris dans L’éloignement)

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés. 

 

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