Vigie, février 2009

  

 

SOIR D’HIVER, LISANT…

 

Le soir tombe, la neige bleuit. Quelques flocons fins tourbillonnent encore dans le ciel. Je termine la lecture d’Atlantique Nord de Redmond O’Hanlon : souvent cocasse, parfois fascinant, c’est un récit parfaitement maîtrisé dans lequel s’insère sans pesanteur toute une avalanche de précisions naturalistes. Je déplore cependant des longueurs et une linéarité qui finit par lasser. Je préfère une écriture fragmentée, par flashes, et sans discours. N’empêche : à côté de ce récit du dehors le dernier livre de Paul Auster (Seul dans le noir, lu avant-hier par désœuvrement ou probable nostalgie de certains ouvrages plus stimulants du même auteur lus en Guyane) fait pâle figure. Desséché. Redondant. Pauvre. Une écriture qui se prolonge sans être irriguée par l’expérience du monde et la confrontation au dehors s’épuise et devient radotage. Danger qui ne guette pas O’Hanlon.

 

(Même irriguée par l’expérience du monde et la confrontation au dehors l’écriture est toujours menacée d’épuisement et de radotage…)

 

Je me détourne cependant du bouquin pour tenter de lire le paysage d’hiver, la brume au pied de Prodin, les fines branches toutes scintillantes des bouleaux recouverts de givre, la silhouette hérissée des châtaigniers. Je pense au printemps qui transformera bientôt les couleurs, les lumières de la montagne et de la pièce. Je me dis que ce pays est beau et qu’il est bon d’habiter un climat à quatre saisons.

 

Crépuscule enneigé — face aux arbres noirs, songeant au printemps.

 

L’écho mêlé de la flûte et des voix — tous ces sons qui allègent.

 

Regarde au loin, le long de la crête, ces nuages !

 

Lueurs de la neige dans le crépuscule.

 

À mesure que le paysage s’assombrit et que la brume envahit la vallée, je me dis avec tristesse que les pages de ce carnet se remplissent aussi vite que les livres lus s’entassent dans la bibliothèque, que donc le temps file (bientôt un an que nous sommes installés au Villard) et qu’il va falloir, qu’il faudrait faire quelque chose. Se mettre sérieusement à cet ouvrage qui finira par perdre son sens (et le désir même de l’écrire s’épuisera comme un ruisselet bu par le sable – tous les cours d’eau ne vont pas à la mer…). Reprendre des études, par exemple sur le Japon vu par Nicolas Bouvier ou bien sur une lecture « japonaise » de mes occidentaux préférés. Repartir. Comme si ne rien faire et continuer à regarder passer les saisons à la fenêtre n’était pas suffisant !

(Il faut croire qu’en effet, rester à la fenêtre sans souffler mot ne suffit pas complètement. D’où ces lignes.)

 

1er février 2009 

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