Le vent sur les crêtes rousses traverse le crâne de la marmotte, laissé là dans l’herbe, caillou blanc que tu ramasses.
Regarde d’en haut : le lac des Fées, très loin, les chemins blancs dans l’alpe jaune, les entrelacs des lignes pures.
Un couple de gypaètes cercle, s’éloigne, se rapproche, que l’on désigne aux enfants.
La Terre gronde doucement, comme un très gros chat qui ronronne. Le vent siffle.
Dos à la terre, face au ciel sans visage, tu regardes, tu écoutes, et puis soudain tu roules dans l’herbe rase comme un enfant, et les enfants bien vite t’imitent et l’herbe vous fouette la peau.
Soleil.
Un bond de l’autre côté de la crête, et soudain plus personne.
Le silence.
Le cri-cri des criquets, le vrombissement des taons et le temps qui s’étire.
La chaleur.
L’alpe impassible.
Ce léger tremblement aux tempes du pierrier.
Des appels, des sifflements encore, et le cri électrique des chocards.
Les clarines.
Solitude, avec échos.
Tu ramasses et tu caresses une poignée de poils de marmotte, couleur d’herbe en automne, très doux.
Quelque chose de très doux ici discontinûment passe, d’été en été, de générations en générations, comme une petite flamme dans le creux de la main.
De l’autre côté de chaque crête, l’enfance, comme un éclat, une brûlure, un éblouissement de quartz, persiste sous ta rétine.
Du Lac des fées à la Crête du Faillet, Beaufortain, 28 août 2014
© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.