Vigie, juillet 2019

 

 

Initiation 6 / Un maraké

 

 

Vigiejuillet2019marake

 

Voici venu le moment décisif où tout se révèle ou se voile, où l’on peut tout gagner ou tout perdre, où ça passe ou casse, où l’on va récolter enfin le fruit de son travail dans la douleur ou la joie – la joie, on ne sait pas encore, mais la douleur, nécessairement, car on n’imagine pas une initiation sans violence.

Pour l’artiste de scène c’est le moment du concert préparé de longue date à l’issue duquel sa carrière continue ou s’arrête : embusqué derrière la porte vitrée du bistro qui jouxte le théâtre on peut voir la tête qu’il fait, l’artiste, jeune homme qui fait ses premiers pas ou habitué des projos son visage est le même, son visage défait qu’éclaire un instant le briquet avec lequel il allume la centième cigarette – et la voix pourtant ne tremblera pas quand, dans une heure, il sera projeté sur la scène espérée.

Pour le jeune professeur qui débute, le pauvre, dans son collège de banlieue, c’est l’instant où il se trouvera offert en pâture aux regards sans plus d’échappatoire et aussitôt « pesé, jugé léger » – en attendant il vomit discrètement derrière une poubelle, puis s’essuie la bouche, rajuste son costume neuf et se remet lentement en route vers le couloir en entonnoir.

Pour l’Indien Wayana c’est, ou c’était (car les rites se perdent) la nuit de son maraké, toute une longue nuit à danser sans manger sous la parure alourdie de plumes et de fatigue pour recevoir, à l’aube, sur tout le visage et le corps les pièces de vanneries où sont plantées les fourmis feus ou les guêpes dont les dards vont faire de lui un adulte, s’il endure sans crier ni pleurer – mais cela fait des mois qu’il se prépare, recevant des doses progressives de venin qui le mettent à l’abri de tout accident, et il sait que la douleur fulgurante des piqûres n’est rien par rapport à celle du jeûne qui s’en suivra, mais qu’il saura surmonter car il est prêt, sûr de lui, courageux et volontaire.

D’accord, je dramatise un peu – mais peut-être pas tant que cela, au fond, pas tant que ça ! Pour l’apiculteur, c’est juste le moment de la récolte, de l’extraction et du départ en transhumance sur un plateau de Provence où s’élaborera le très important miel de lavande, le miel de fin de saison. Comme pour le concert, le cours, le rite initiatique (et l’on pourrait encore ajouter bien d’autres exemples parmi lesquels l’échange amoureux aurait toute sa place), le temps est délimité, compté, vécu forcément de façon plus intense qu’à l’ordinaire.

Il faut faire vite et bien. D’abord, il faut, en ce début d’après-midi d’un jour tiède de juillet, se rendre sur les deux ruchers où sont installées les ruches promises à la transhumance, procéder à la récolte des hausses pleines de miel (il faut naturellement que les ruches soient vidées de leur miel avant d’être emportées en Provence), puis à son extraction immédiate car la place manque pour entreposer toutes les hausses (certains voisins apiculteurs ont déjà déposées les leurs avant de s’octroyer quelques jours de vacances) ; après quoi il faut attendre le soir pour rapidement charger la cinquantaine de ruches dans le camion, puis rouler toute la nuit jusqu’aux champs de lavande et décharger avant l’aube : on ne peut déplacer les ruches que lorsque les abeilles sont revenues s’y installer, le soir, après leur journée de travail.

Même pour Éric et sa stagiaire du moment, Jolanna, le moment est tendu. La récolte doit s’opérer le plus vite possible, avant que les abeilles ne comprennent qu’on est en train de les dévaliser et commencent à attaquer. Il y a quelque temps, en Haute-Loire, un couple de promeneurs s’est fait attaquer par des abeilles pendant une récolte ; piqués plus de cent fois ils ont été hospitalisés dans un état grave. Mais le risque concerne aussi les abeilles elles-mêmes : une ruche qui reste trop longtemps ouverte, toute débordante de miel, peut devenir un signal de pillage, et toutes les abeilles risquent alors de s’entre-tuer. Ce terme de « pillage », qui évoque pour moi des hordes de Huns s’abattant sur d’innocents villageois, avec tout ce qui s’en suit de têtes coupées et de hurlements d’enfants, achève de m’inquiéter, mais je ne suis encore, pour l’heure, que l’assistant de Jolanna – même si j’ai d’ores et déjà délaissé mon carnet et revêtu la tenue réglementaire.

Car ce n’est pas tant pour l’apiculteur que le moment fatal est venu, que pour le scribouilleur obligé de quitter son rôle de spectateur. « D’abord, tu fais avec Jolanna, mais attention : au prochain rucher tu devras faire seul, enlever les hausses, désigner celles qui doivent être chargées, puis aider à charger et à sangler les ruches pour la transhumance que nous ferons à deux. »

Le défi est lancé, ce qui est un juste retour des choses puisque l’apiculteur lui-même s’est le premier aventuré sur le terrain de l’écrivain en participant à une lecture musicale commune dans une librairie. Après tout, lors de la rencontre avec le vigneron Richard Leroy qu’il raconte dans Les ignorants, récit d’une initiation croisée, Étienne Davodeau ne se contente pas de prendre des notes et de goûter des vins (que, souvent, il ne reconnait pas) mais travaille aussi dur que les ouvriers, cependant que son acolyte, à défaut de dessiner, lit toutes sortes de bandes dessinées déconcertantes pour un « ignorant ».

Il conviendrait ici de s’interroger sur les motivations (profondes, superficielles, avouables ou secrètes) qui conduisent nombre d’intellectuels à rechercher ce genre de situations qui les sortent de la zone de confort ou d’inconfort ordinaire de leur art pour les confronter plus franchement à la réalité. L’engagement politique (Sartre sur son tonneau…), le voyage dans ses formes les plus dures (de Michaux à Bouvier en passant par Rimbaud…), l’ornithologie (Saint-John Perse !), la mécanique, la cuisine, la pêche, la musique ou la peinture pour qui n’est pas, au départ, mécanicien, cuisinier, pêcheur, musicien, peintre ou photographe, etc., semblent montrer que l’écriture seule ne suffit pas. L’explication première est peut-être très simple : l’écriture est la forme artistique la plus éloignée de la matière. Elle suppose un degré de raffinement de la réalité supérieur à tous les autres arts et, dès lors, condamne son serviteur à une vie sans corps. Bien sûr la réalité corporelle se trouve transposée dans les sons de l’écrit, qui peut aussi s’incarner lors de ces lectures ou de ces « performances » si prisées des poètes, et pour peu qu’on écrive encore à la main on peut avoir la sensation du papier lisse ou rêche, de la plume qui gratte et tache, mais c’est bien peu. On comprend dès lors l’envie de mettre les mains dans le cambouis, la terre ou la ruche.

Si Rimbaud écrit que « la main à charrue vaut la main à plume », ce n’est peut-être pas tant pour revaloriser le travail du paysan que parce qu’à ses yeux, la « main à plume » vaut plutôt moins que la « main à charrue » – par ce refus, donc, de sa condition de lettré, qui le conduira jusqu’en Abyssinie avec la fin que l’on sait. Ainsi l’enfant frêle que les autres appellent « l’intellectuel », « le poète » ou « le rêveur », considère-t-il avec une admiration éperdue tel camarade plus vigoureux auprès duquel il se sent si misérable qu’il n’osera jamais lui adresser la parole, persuadé de n’être pour lui qu’un objet de mépris, sans se douter que ce garçon de belle allure considère ses propres talents comme dérisoires face à la science de son camarade trop distant qui l’intimide tant qu’il n’osera lui parler, c’est dommage, qu’au tout dernier jour de classe, au moment donc de leur séparation, et l’un et l’autre resteront pantois devant un tel malentendu…

Mais revenons au rucher, au défi. Pour l’heure, il s’agit de procéder à la récolte. Les gestes sont simples – repérer les ruches qui doivent partir en transhumance, enfumer, faire sauter à l’aide du lève-cadre la cire qui retient le chasse-abeilles, laisser Éric charger les hausses dans le camion – mais ils doivent être rapides : il faut compter un quart d’heure environ avant que les abeilles ne comprennent qu’on est en train de les dévaliser et réagissent comme il se doit. Le temps de réaction peut sembler considérable, mais il faut dire que la fumée qu’on diffuse dans et autour des ruches (opération qui me donnera le sentiment de jouer le rôle d’un C.R.S. sommé de gazer une manifestation aux motivations pourtant légitimes…) permet de masquer les phéromones des abeilles et, donc, de calmer leur agressivité.

Dans le sillage enfumé de Jolanna je tâche de faire de mon mieux, mais me heurte à trois difficultés : d’abord, la coiffe trop large retombe sur mes yeux si bien que j’ai le choix entre travailler avec une seule main, ce qui est impossible, ou bien travailler en aveugle, ce qui l’est tout autant ; ensuite, nous n’avons allumé qu’un seul des deux enfumoirs, dont Jolanna se sert d’ailleurs avec une retenue que j’approuve (les militantes semblent paisibles) mais qui, associée à la troisième de mes « difficultés », à savoir le fait que je n’ai pas pris la peine de revêtir des chaussures montantes, me fait changer d’avis à la première salve de piqûres.

Sans doute Jolanna ou moi-même avons fait une fausse manœuvre, ou trop tardé, car tandis que l’apiculteur est occupé plus loin avec le camion voici que les gardiennes commencent à attaquer, nous piquant aux mollets, aux bras, aux mains (je constate au passage que les gants de jardinage que j’étais content d’avoir pensé à emporter sont totalement inutiles) sans qu’il soit possible d’enlever les dards. J’ai lu quelque part qu’il est recommandé de n’user de l’enfumoir qu’avec calme et décontraction, en évitant les mouvements brusques : facile à dire ; après avoir enduré stoïquement les premières piqûres, nous nous mettons à danser, à crier, pleurant de rire (car c’est drôle, tout de même) et de douleur (chaque piqûre nouvelle est une source d’étonnement…) – ce qui n’empêche pas l’opération de s’achever, et les hausses d’être amenées à la miellerie pour l’extraction.

 

À l’abri du hangar on peut enfin se défaire de son voile protecteur pour décharger, en empilant sur des palettes séparées les hausses du bas – les plus anciennes et les plus lourdes, remplies d’un miel d’acacias et de ronces – et celles du haut – qui contiennent le miel de châtaignier. À dire vrai, la distinction entre les hausses du haut et les hausses du bas s’avère pour moi assez vite confuse, car toutes ont été chargées les unes sur les autres en piles de cinq et peuvent être issues de ruches à une ou à plusieurs hausses. C’est peut-être pour me punir de ma confusion qu’une abeille, égarée parmi toutes celles qui, ivres de miel et sans plus rien à butiner ou défendre, errent au hasard dans l’entrepôt en tentant de reformer aux fenêtres des essaims éphémères, me pique à la lèvre. La douleur est plus forte que toutes les autres et me fait hurler sans vergogne – Wayana, je serais d’ores et déjà recalé à mes épreuves, bon pour le repêchage ou le déshonneur.

L’extraction, c’est toutefois un moment de répit, un moyen aussi de m’extraire du petit enfer qu’est devenue mon initiation. Je regarde Jolanna glisser dans la machine les cadres, d’où ne tardent pas à couler des ruisseaux de miel bientôt aspiré dans la centrifugeuse, filtré, brassé et amené dans les cuves. Comme la faim commence à me tenailler (je n’ai pas mangé depuis le matin et le soir approche), comme en outre l’odeur est proprement grisante, je recueille du bout du doigt le miel qui goutte du tuyau et, ours au rucher, m’en barbouille généreusement.

 

 

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Le camion saute sur le chemin forestier qui ramène au rucher où le maître et le novice (le patron et l’apprenti) doivent procéder à la deuxième récolte, pendant que Jolanna poursuit l’extraction. À dire vrai, j’aurais préféré poursuivre l’activité pour laquelle je me sens le plus doué – la dégustation –, mais j’ai pris cette fois la précaution de revêtir des gants adaptés (adapté à l’activité, mais pas à mes mains d’accordéoniste…) ainsi que des bottes (assez larges pour laisser passer un essaim, mais je ne le sais pas encore). Il me faut enfumer (trois à quatre coups de soufflet à l’intérieur de la ruche, souvent encombrée d’une foule bourdonnante qu’il faut d’abord dégager), faire sauter la cire qui colle au chasse-abeilles, puis désigner les hausses qu’il faut embarquer – deux par ici, trois par là, cela fait bien des piles de cinq, avec si possible un couvercle sans trou au sommet de la pile. Comme j’appréhende désormais les piqûres je ne lésine pas sur la fumée, mais je sens que j’agis avec une nervosité et une violence qui me mettent mal à l’aise. L’acte de prendre le miel puis de déplacer les abeilles à trois-cents kilomètres de là – pour, certes, leur donner davantage à manger, mais elles ne sont pas au courant et n’ont rien demandé – me paraît brutal.

De fait, il l’est. La réalité est brutale, dès lors qu’on n’est plus dans les métaphores joliment dorées que file Maxence Fermine dans L’Apiculteur : n’est-ce pas ce que je voulais, ce que j’ai toujours voulu – un rapport authentique avec la réalité ?

Je m’affaire. J’enfume. Parfois je m’enfume moi-même, une bonne rasade dans la figure. J’ai peur de la piqûre, de l’attaque, du pillage, peur de ma maladresse et de ma lenteur qui s’arrangent d’autant moins que la coiffe continue à tomber devant mes yeux. Peur de mal faire, et je fais mal. C’est promis, c’est juré, plus jamais je ne ferai de reproches aux enfants, aux élèves, quand ils n’arrivent pas à faire ce que je leur demande – je les prendrai dans mes bras en m’exclamant « mon pauvre ! », ils n’y comprendront rien et se diront que cette fois-ci les dernières barrières de la raison ont cédé chez leur père, leur professeur…

 

On repart néanmoins avec un nouveau chargement, un peu en retard seulement sur l’horaire prévu.

 

Le temps passe, le temps presse. Dans le hangar encombré la tension monte un peu, car un déshumidficateur est en panne et qu’il n’est pas possible de tout entreposer dans de bonnes conditions. Il faudrait pouvoir tout extraire, mais on n’en a pas le temps. On risque de perdre tout ce miel déposé là, et qui n’est en outre pas assez humide. On se débrouille comme on peut, puis on file manger et se reposer un peu avant le grand départ.

Le soir est tombé. La lampe frontale va peut-être permettre de maintenir la coiffe sur ma tête, car il est primordial d’être « efficace », cette fois, pour charger et sangler les ruches avant qu’il ne fasse nuit noire. L’enfumage recommence. Sans doute assez irritée par la perte du miel les abeilles me semblent aussi nerveuses que les humains venues les déplacer. En voici une qui pénètre dans ma botte droite et me pique, puis une autre, puis une autre. Je réprime toute protestation, décidé à essayer de jouer les bravaches. La coiffe ne tient pas, je lance de travers la sangle et suis contraint d’escalader le camion et de perdre encore du temps, la coiffe ne tient pas, je n’ai toujours pas compris comment on serre et on desserre, je n’y vois rien… Mais qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi cette épreuve absurde qui me couvre de ridicule ? Je suis à deux doigts de renoncer, de planter là les abeilles, le camion, le patron, le monde entier et de repartir à pied jusqu’à ma cave – voici que remonte dans ma mémoire enfumée le souvenir de Catherine Ribeiro enfermée dans sa loge et refusant de monter sur scène… J’ôte alors rageusement ma coiffe dans un geste non pas de renoncement, mais d’entêtement – cette fois, j’y verrai, et je vais y arriver ; mais les abeilles tournent autour de mon visage découvert, me poussant à remettre au plus vite la protection à l’intérieur de laquelle, c’est dommage, quelques-unes se sont déjà glissées, qui se retrouvent coincées entre mon crâne et la coiffe…

 

Le maraké des Wayana est sans suspense : les piqûres sont certes bien plus terribles et nombreuses, mais appliquées à un moment déterminé – il suffit de serrer les dents pendant quelques minutes et le tour est joué. Pour le jeune homme ou la jeune fille qui passe ses épreuves l’échec n’est pas envisageable…

 

L’échec. La longue série des ratages et des maladresses ordinaires : les gestes manqués, les mots de travers et tout ce qu’on regrette ; le morceau qu’on a tant travaillé mais qu’on n’a pas pu jouer devant le public, le moment venu, à cause du trac ; le livre qu’on n’a pas su mener à son terme, faute de force ; le sommet qu’on n’a pas atteint, le voyage auquel on a finalement renoncé… Si d’aventure je deviens un jour l’écrivain que j’aurais pu, que j’aurais dû devenir, on pourra me lire sous cet angle de l’échec, car je n’écris que pour tenter de faire quelque chose de mes échecs. Le premier texte en prose (d’ailleurs illisible) que j’ai publié s’intitulait, si mon souvenir est bon, Chronique d’une résurrection ratée

 

 

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Onze heures, pendant que, le corps un peu tremblant à cause de la fatigue et du venin, je médite sur l’échec, le camion s’enfonce enfin dans la nuit, avec tout ce que cela suppose comme réminiscences nomades, sensations de vertige, de voyage… On croise de loin en loin d’autres apiculteurs qui tous convergent vers le même lieu. Bientôt il semble qu’il n’y a, sur cette route, que des camions remplis de ruches – on n’ose imaginer ce qui arriverait si survenait l’accident : les ruches renversées sur la chaussée, dix-mille dards dressés dans la lumière des phares…

Minuit, le camion glisse en silence dans un tunnel interminable.

Une heure, une reine a essaimé dans ma tête et je me demande comment me rassembler.

Deux heures, les yeux ouverts j’ai rêvé d’une fuite hors du temps, hors du monde.

Trois heures, comment est-il possible, dans ce monde où rien n’est fiable ni fixe, qu’une étoile indique le Nord ?

Quatre heures, on s’arrête au bord de la route parfumée. Mille abeilles d’argent butinent le miel des planètes. La voie est libre, la vie est vaste et heureuse à nouveau. Qui a parlé d’épreuves ?

Cinq heures, à l’horizon le ciel blanchit. L’air enfin embaume la lavande. Arrivé au bout du chemin on décharge, un peu hagard, la cinquantaine de ruches, goûte au venin d’une ultime piqûre, puis on tente de dormir un peu.

Très peu. Avant sept heures me voici clopinant à travers la garrigue. D’une branche de chêne nain je me suis fait une béquille, car il m’est difficile de poser mon pied enflé d’Œdipe. Herbes jaunes, boue dans les ornières. Les restes d’un nid détruit. Le ballet des papillons, par bouffées l’odeur de la lavande. Je ne sais pas si j’en sais davantage, ni où je vais, ni rien de plus ou de moins. Je pense que la route est finie et que je suis perdu dans ce pays de Provence qui me ramène une fois encore à des souvenirs de lecture et d’enfance. Je m’assois parmi les pierres patiemment enlevées des champs et déposées dans des pierriers artificiels par des générations de paysans qui donnent ainsi au passant une leçon de courage. Sur la carte des lichens je tente de retrouver mon chemin, et constate seulement que mon goût pour les pierres ne s’est jamais démenti, que j’ai déjà vécu de tels moments – ce qui est bien normal parce que « je suis un roc, je suis une île ».

Puis les abeilles commencent à sortir, partent en repérage, découvrent l’immense champ de lavande. Elles n’ont pas la mémoire de l’enfumage, des gains ni des pertes, juste un appétit à la mesure du monde.

Rien n’est perdu, tout est gagné, il reste un monde à explorer.

Le maraké s’arrête ici.

 

 

Vigiejuillet2019pierre

 

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