Mort à Munich
L’air était si lourd, le temps si pesant. Sur le chemin de Munich je suis allé voir le chapelier et je lui ai dit : « Rends-moi ma jeunesse, mes vingt ans, l’air léger, mes rêves de printemps ! » Il m’a vendu un chapeau de paille.
Le temps était si triste, j’étais tant rongé par le regret de cette époque de ma vie pas si lointaine où je croyais en la possibilité d’un monde heureux… Sur le chemin de Munich je suis allé chez le coiffeur et je lui ai dit : « Rends-moi ma jeunesse, mes vingt ans, l’air léger, le printemps ! » Il m’a ri au nez et s’est contenté de me couper les cheveux.
J’ai eu de la chance. Il aurait pu me couper la tête, ou bien me peindre le visage en blanc, en rouge les lèvres, en noir de jais les cheveux, et je serais allé traîner ma chaise longue au bord de l’Isar à regarder le jeune homme que je fus s’avancer nu vers le soleil couchant.
Je serais mort à Munich.
© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.