Vigie, septembre 2020

 

 

 

Les fleurs de mon jardin

 

 

Vigieseptembre2020hortensias

 

 

Profitant de la pluie j’ai planté aujourd’hui deux hortensias, un rose et un bleu, contre la façade de la maison près de l’entrée – puis une main amie est venue y rajouter quelques plants de géraniums rustiques.

 

Planter des fleurs, surtout aussi communes et boursouflées que ces grosses boules colorées dont je me souviens avoir dit autrefois le plus grand mal (surtout en raison de leur si navrante fanaison), est une marque de conformisme bourgeois, écrit grosso modo Valérie Chansigaud dans L’Homme et les fleurs. On fait comme les voisins. C’est une démonstration d’appropriation territoriale aussi. Ces deux bornes végétales proclament au passant éventuel (il n’y en a guère par ici): je suis chez moi, et puis aussi : voyez comme j’entretiens bien mon espace !

 

Il me semble néanmoins obéir pour ma part à un autre impératif, qui est d’inscrire le temps dans l’espace. Quand je plante c’est pour plus tard, c’est pour le plaisir de voir grandir et s’épanouir l’arbre ou l’arbuste et de me dire que, d’année en année, même sans moi (et contrairement à moi) les choses iront s’embellissant…

 

C’est aussi façon de borner non pas le terrain mais le cours de ma vie. Le cognassier qui cette année croule sous les fruits, je sais bien que je l’ai planté la veille de la mort de ma mère. Ce figuier devenu grand, couvert lui aussi de figues pour la première année – de figues dont je ne pensais pas qu’elles puissent mûrir un jour et que je croque pourtant à belles dents ! –, ce figuier qui, hier, a fait s’arrêter avec stupeur une voisine un peu éloignée qui ne l’avait jamais vu, je me souviens du jour où je l’ai planté ici, contre la grange de Reinhardt, doutant fort qu’il puisse jamais s’épanouir à notre altitude…

 

Ces deux hortensias sont ainsi, comme la musique et l’écriture, une façon de m’inscrire dans le temps. Bien sûr ils me rappellent la Bretagne ou Madère. Ils font le bonheur des insectes qui s’en sont aussitôt emparés. Je ne doute pas que les chats tout bientôt ne s’en servent de cachette, et dans quelques années on n’imaginera même plus l’entrée de la maison sans ces deux bosquets d’hortensias, dont la fanaison nous rappellera néanmoins, à chaque saison, la cruauté du temps.

 

 

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