Cabotage
Je cabote dans cet automne ardent, desséché, épuisant, d’une crique de douceur à une autre, un œil sur les collines où brillent les coulemelles, un œil sur le grand large où gronde la tempête.
Je cabote, je zigzague, d’une pause à une autre, moins pressé que jamais et désireux seulement de faire durer le voyage. Il y a dans ce monde devenu si laid, si incertain, si sec, des trésors de beauté et des réserves de certitude qui sont comme des lacs d’altitude, des oasis dans le désert. Il n’est pas nécessaire de creuser très profond ni d’aller loin : on les trouve dans la musique ou l’écriture, dans l’amour et la mémoire des moments heureux, dans certains de ces signes de l’automne parmi lesquels la poussée des coulemelles reste un de mes préférés, pour les fêtes champêtres qu’elle annonce, pour l’enthousiasme des enfants qui, je l’espère, cette année encore accompagneront leur père avec le grand panier d’osier.
Demain, après-demain, dès qu’on pourra on partira à travers champs et l’on se réjouira du galbe grumeleux et de l’odeur fumée de ces baguettes de tambour qui cuiront au retour longuement sur la poêle.