Vigie, septembre 2020

 

 

 

L’été, l’automne, l’hiver

 

 

Vigie092020lete

 

 

Je marche à travers les champs secs de cette garrigue de cauchemar, avec l’impression de ne plus savoir où j’habite. Les coulemelles partagent aussi cette impression, je n’en doute pas, qui ont poussé voici deux ou trois jours aux emplacements habituels dans ce qu’elles pensaient être une vallée de moyenne altitude en Savoie, et qui subissent la déconvenue de se retrouver quelque part dans le sud de l’Ardèche en été. Très peu ont résisté. On ramasse leurs débris desséchés, et quand même, dans un trou d’ombre, quelques rescapées qui agrémenteront le repas du soir que l’on prend sur la terrasse encore inondée de soleil.

 

Ce n’est pas septembre, cela, mais un juillet épuisé, et ce n’est plus le pays que je croyais connaître. Me vient l’angoisse d’être parvenu à ce point de bascule à partir duquel la chute s’accélère. Les grandes fumées des incendies américains ont traversé l’Atlantique, dit-on, et sont arrivées jusqu’en Europe. Le paradis du Pantanal est en feu : le long de la Transpantanéira que j’empruntai naguère avec tant d’émerveillement, on ne voit plus que des carcasses et des cendres. Ici, dans la fournaise des salles on transpire sous nos masques. On regarde le ciel vide de traces d’avion autant que de nuages et l’on se dit que l’automne, que l’hiver cette année ne reviendront peut-être pas. On se demande combien de temps encore nos maisons, nos refuges, nos montagnes et nos nobles institutions humaines nous protégeront du pire que nous avons créé.

La nuit venue cependant, bruissement doux à la fenêtre laissée ouverte, la pluie enfin – et non la soif ou un cauchemar – me réveille. Un soulagement proche de la plus haute félicité se mêle à mon sommeil : la pluie, la pluie, la pluie – et puis je me rendors. Bientôt l’orage gronde et la grêle blanchit le paysage. On s’exclame, on s’affole : ce n’est pas septembre, cela, mais un novembre trop précoce ! Les restes de coulemelles à présent gèlent sur place…

 

 

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