Vigie, mai 2010

 

 

LE SURSIS

 

Retour au Villard avec Léo, si doux, si content de « son petit Clément », et si fier de son nouveau statut de grand frère… Le compte à rebours heureux de la naissance à peine arrêté voici que s’enclenche à nouveau celui de la maladie. La nouvelle est tombée : les métastases sont passées au foie (ce sont elles qui entraîneront la mort de ma mère quatre ans plus tard, et je revois son visage jauni sur le pas de la porte…). L’engrenage de la chimio, des traitements lourds que l’on ne refuse pas parce qu’on veut vivre encore (et ces quatre années-là, de fait, on est bien soulagé d’avoir pu les vivre quand même), ce combat dont l’issue se profile déjà, plus ou moins lointaine, forcément fatale.

Bien sûr on vivait avec le sentiment du sursis, même en ces si beaux moments passés ensemble à Venise ou Madère ; mais aujourd’hui tout bascule. On a glissé d’un cran le long du précipice. On n’imagine plus, on se projette à peine. Au téléphone la voix reste claire, même si elle se dit « un peu contrariée », et mon père demande « si le tiroir entre bien dans l’armoire ». On n’a pas le goût du tragique, ni le pathos bien larmoyant. Mais ce n’est pas seulement à cause des cinq degrés de température extérieure de la pluie et du vent que l’on se sent glacé (ainsi le mois de juillet de sa mort sera-t-il pareillement froid et humide, comme s’il pouvait y avoir un lien entre les aléas de nos vies et le mouvement des saisons !).

Nous y voilà. Nous y serons bientôt, nous y sommes.

Le souvenir de la voix était clair.

 

6 mai 2010

Ce contenu a été publié dans 2010. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.