Vigie, mai 2010

 

 

 

« LA VIE EST UN MIRACLE ! » (1)

 

Temps hivernal, les Saints de Glace se sont installés. On parle. On parle presque comme si de rien n’était. À voir ma mère ainsi s’impliquer dans les travaux de la maison, dans le choix de la future cuisine pour laquelle elle a déjà fait tant de recherches (ce vendeur de « Cuisine + » : « Mais ils sont jeunes, donc ils n’ont pas besoin de four, ils ne doivent s’en servir que pour faire cuire des pizzas surgelées… »), à la voir encore s’indigner contre la marche aberrante des choses et des gens, je pense à ce texte des « Trente-sept pratiques » que je récite souvent le matin : « Même atteint d’une grave maladie, prendre encore sur soi les souffrances et méfaits de tous les vivants, ne pas pleurer ni se lamenter… » − et puis : « donner avec générosité … » 

Alors on fait quand même des projets, on évoque la retraite de mon père, l’aménagement de la « pièce du bas »…

Demain on en saura davantage. Bientôt ce sera la chimio. 

Je prends deux places pour le spectacle d’Angélique Ionatos : j’irai avec Léo, nous serons avec eux. À réécouter cette voix je ne peux que m’effondrer discrètement de l’intérieur. J’avais neuf ans, je m’en souviens très bien : l’église de Grenoble, Marie des Brumes, les Grecs dans la salle, ce sourire, cette voix lumineuse… Ma maman était jeune et j’étais son petit garçon. Que la roue tourne vite. Nous sommes roués… Mais nous serons encore ensemble avec Léo, mon tout petit garçon. 

Dans la pièce à côté Clément pleure, Clément dort. 

Dans la pièce en dessous, Léo dort. 

Je vais rejoindre Nathalie. 

Nous sommes tous ensemble : la vie est un miracle. 

Ma mémé, elle, reste seule avec la voix de mon pépé qui l’appelle, à perdre doucement la tête.

Voilà.

 

16 mai 2010

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