Vigie, novembre 2016

 

 

 

DURE À PASSER

 

Vigienovembre2016neige

Nuit blanche, temps glacé. On entend les suffocations de la vieille chienne qui ne parvient plus à respirer, qui panique, qui se serre contre son maître qui, lui, ne peut de toute façon rien faire d’autre que tenter de la rassurer avec des paroles mensongères.

Nuit blanche, nuit tendue. Le couperet de l’hiver est tombé. On regarde les toits blancs, les branches lourdes des lilas. Coup de froid précoce, et coup de blues. Comme un muscle blessé les sociétés se rétractent. C’est peut-être, c’est sans doute aujourd’hui la suite décisive d’une grande catastrophe en cours. Il fait glacial, à la radio on parle déjà de possibles coupures d’électricité, ma vieille chienne souffre, et le bon peuple américain vient de se choisir pour président un sinistre clown, incarnation même de la bêtise, de la laideur, de la vulgarité, de l’inculture crasse, de la morgue, de l’égoïsme, de la peur et de la haine de l’autre.

Allez, ma pauvre, ça va passer. Le monde à l’aube ne s’en portera qu’un peu plus mal. Reprends ton souffle, calme-toi, repose-toi, en attendant l’ultime délivrance des grands champs de neige.

*

 

Il neige. Il neige. Il neige. Il faut une demi-heure pour rejoindre La Rochette, la route est perdue, et la neige tombe encore. Dans la caverne Léo joue le « Choral » de Bach, Clément s’étire, le temps s’étire et se réchauffe. On se réchauffe.

 

« Puisqu’il faut vivre, au mal opposons la beauté… » (nous chante Bertin).

 

« À chaque effondrement des preuves… »

 

Etc.

 

Allez, mes grands, ça va passer. Le monde ce soir ne se portera qu’un peu plus mal. Surveille ton soufflet, ne joue pas trop vite, repose toi dans la musique, en attendant l’ultime ensevelissement de notre havre sous la neige.

9 novembre 2016

 

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