Vigie, avril 2020

 

 

 

Haru same ya

 

 

Vigieavril2020 06

 

 

Après plusieurs semaines de sécheresse la pluie arrive enfin. J’éprouve un peu de honte à tant me réjouir de ce délicieux tintamarre sur la fenêtre et le toit de tôle alors que le monde entier s’enfonce dans une crise aux conséquences vertigineuses – et même, à me réjouir de ce confinement qui a permis d’avancer le livre en cours, de faire un grand nettoyage de printemps et, pour la première fois, de commencer un potager ; mais voici que le chat Musique rentre tout trempé, se blottit dans mes bras pour se faire épouiller, sécher et caresser, et je me surprends à ronronner de plus belle avec lui…

 

Je regarde depuis ma fenêtre le rectangle marron tracé dans le jardin vert. Le sol ici est riche, bien aéré par de gras vers de terre, et je m’avise que cultiver son potager est, comme la musique ou l’écriture, une belle façon de faire du temps un allié : la pluie qui tombe, les jours qui s’égrènent, désormais contribuent à l’avènement des fruits à venir.

 

Bref arc-en-ciel du côté de la Chartreuse, puis la lumière vire au blanc électrique et le ciel noircit : l’orage est sur nous. Une fauvette traverse le jardin, un rouge-gorge se pose sur le cognassier dont les fleurs fermées brillent dans la demi-pénombre. Quand j’ouvre la fenêtre, l’odeur de lilas, de terre et d’herbe mouillée qui pénètre dans la pièce est à se pâmer.

 

Les vastes craintes et les beaux espoirs de Mai se perdent dans les bourrasques de cette fin d’Avril crépitante : haru sa me ya – ondée printanière…

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

 

 

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