Vigie, avril 2020

 

 

 

20 avril 2020

 

 

Vigieavril2020 04

 

 

Levé bien avant l’aube après une de ces nuits raccourcis non par la tristesse, mais par un regain d’énergie qui rend le sommeil presque inadmissible, je suis allé siffler dans le jardin pour réveiller les merles et les fauvettes qui sommeillaient encore, puis j’ai salué l’aube d’avril. Ciel blanc, à peine voilé. J’ai rôdé un peu dans le jardin et l’atelier nettoyés d’hier, puis je suis rentré mettre en ligne le concert du Vingt-Avril – hommage presque pas funèbre à celle qui n’est plus là, écho fidèle à cet ultime concert que nous lui avions offert il y a aujourd’hui six ans. Une violente migraine m’a alors abattu, forcé à regagner momentanément le lit, la cave.

 

Repos. Repas. Puis, lecture du merveilleux livre de mon ami Jean-Louis Michelot, Au bord du Rhône, évocation limpide, savante et sensuelle de ce fleuve qu’il connaît si intimement et avec lequel il parvient à tisser des liens si riches qu’on ressort de la lecture du livre avec le sentiment d’avoir été soi-même capable de vivre et de voir tout ce que lui-même a vécu et a vu. Le cancer lui a donné l’opportunité de mener jusqu’à son terme ce projet d’écriture-lecture du Fleuve – et je me dis d’ailleurs que le livre aurait été moins fort, moins juste, s’il n’y avait pas eu cette épreuve surmontée de la maladie. La complicité, déjà flagrante, entre le kayakiste-géographe-naturaliste-poète Michelot et le Rhône, s’en trouve encore approfondie – par exemple quand, dès l’introduction, il constate que le fleuve qu’il voit de la fenêtre de l’hôpital est « comme [lui], confiné à son lit, bourré de produits chimiques, et s’écoulant inéluctablement vers la fin de toute chose… »

 

Le cancer de ma mère m’aura donné Le livre de Madère, me dis-je aussi en filigrane avant de me remettre brièvement au travail – à condition que je l’achève, ce que je voudrais bien faire sans être pour autant obligé d’attendre moi-même d’avoir à affronter ce genre d’épreuve (la crise sanitaire en cours suffit à notre malheur, et à mon bonheur égoïste d’écrire).

 

Vingt avril 2020. La musique, les livres, les fleurs blanches dans le ciel blanc, et l’espoir renaissant.

 

 

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