Vigie, novembre 2020

 

 

 

Un Samoyède en Guyane

 

 

Vigie novembre 2020 05

 

 

La décision a donc été prise, inattendue, radicale, de revenir en Guyane. Nous emménageons dans un assez vaste appartement à l’étage d’une maison créole qui domine Cayenne et d’où l’on peut apercevoir la mer – une traînée de lumière ocre au bout du paysage. Je remarque avec satisfaction que l’appartement est lambrissé de bois rougeâtre, ce que je trouve élégant. Le parquet grince. Tout est ancien, poli, luisant, comme dans le poème de Baudelaire. Deux gros rats, deux pians peut-être, apprivoisés et portant des colliers colorés, ont élu domicile en ce lieu (un trou creusé à l’intérieur d’une sorte de statue de bois leur sert de gîte), ainsi que de nombreux chats qui ne risquent pas faire le moindre mal à ces rats qui font deux fois leur taille.

 

Je déclare à N. que cette décision de déménager implique de renoncer à l’adoption d’un Samoyède.

« Mais si, me dit-elle, ne t’inquiète pas, ils s’adapteront au climat ! – Tu n’y penses pas ? Un Samoyède en Guyane ! Dans ce cas, et par solidarité, tu iras au marché de Cayenne en combinaison de ski. Et nos pauvres pians : il est évident qu’il les croquerait aussitôt, on n’y peut rien… – Mais non, il se sera habitué à eux car il les aura vus tout petits ! – Le Samoyède est un chien primitif, encore proche du loup, on ne peut pas lutter contre son instinct de prédation. Il les croquera. – Quant à la chaleur, tu exagères : l’appartement est traversant et l’on peut faire un courant d’air. – Oui, un courant d’air à 35 degrés… Pauvre chien ! »

 

L’inquiétude liée à l’adoption me poursuit ainsi de jour comme de nuit. Ce que je garde néanmoins en tête, c’est ce bel appartement traversant, en effet, qui donne sur la mer et me rappelle, dans un bourg de Normandie, un autre appartement habité seulement en rêve…

 

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