La salle en novembre

 

 

 

 

UNE RENCONTRE

 

 

Les voix se perdent dans cette caverne trop solennelle et froide. Un grumier chargé de troncs passe, qui déborde du rectangle étroit de la fenêtre. Trop de gradins, ici, pas assez de fenêtres : ce n’est pas ce qui convient à une rencontre poétique.

 

Marie Ginet, néanmoins, parle, dit et joue.

 

Livre écrit : lecture en solitude. Dire à voix haute pour le partage. Qu’est-ce que le slam ? Des gens se réunissent et disent des poèmes. Dans les années 1980 aux États-Unis, Marc Smith, ouvrier et poète, lance les « slam poetry », compétitions poétiques. Tout le monde peut faire. C’est sans décor, sans accessoires, et sans musique.

Qu’est-ce que vous évoque la poésie ? Un « moyen de communication », dit l’un ; une « façon d’observer », dit Mathilde. De sortir du ressassement adolescent. Marie parle alors des plages du Nord, du ciel plombé, des terrils et des mines de charbon – « les crassiers, ce sont nos montagnes à nous ». (Ici, Lucas entre en retard, carnet à la main – pas pour lire un poème.) « Me promener la nuit dans la neige – cela, je ne l’ai jamais fait ! » Marie parle de Lille, de sa rue de la soif et de son marché aux six mille personnes. La patronne du bar grogne et tient en laisse ses géraniums (qui grognent aussi ?). « On écrit souvent quand on n’est pas chez soi » : le poème pour le vieux fromager (pas l’arbre mais le marchand de fromages) a été écrit au Canada – au retour, « papy » était mort.

« Le dimanche matin, place à l’aventure… » : parfums de menthe, bribes de chtimi et de kabyle. On peut écrire pour voir ; on peut écrire aussi pour dire sa colère. Célébrer les Gitans – « le sable est si chaud qu’il brûle la robe des chevaux » − mais « il ne faut pas inviter les Gitans, car ils ne comprendront pas ton texte de gadjé et se sentiront insultés. »

 

Pour finir, s’esquiver, s’éloigner en douceur − devenir loutre…

 

22 novembre 2016

 

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