La salle en novembre

 

 

 

APPARITION

 

 

Salle novembre 03

 

 

Ils peuvent surgir à tout moment sur l’écran de l’ordinateur (mais je reste alors maître de la situation, hors de portée, protégé), dans l’encadrement de la porte certains soirs quand les vacances approchent, et n’importe où dès lors que je m’aventure dans l’un des bourgs les plus proches de mon ermitage. Je les espère, parfois, sans doute ; je les redoute tout autant à cause de ma mémoire confuse et d’une certaine tendance à la prosopagnosie, ce trouble de la reconnaissance des visages qui est un vrai handicap social et qui est lié, je crois, à un rapport au temps extrêmement tendu…

 

*

 

Ce soir est un soir ordinaire de novembre. Un soir de premier grand froid, de neige sale et de fatigue. Un soir où l’on sent poindre la lassitude de tout, et même d’enseigner – à choisir on préfèrerait s’enfermer dans la cave, le placard, et dormir…

 

Soudain me voici face à l’un d’entre-eux, dont l’apparition m’apporte aussitôt une sensation de reconnaissance qui me renvoie à l’évidence d’une présence appréciée quoique déjà lointaine. Les souvenirs remontent : ceux d’un collégien sensible, que je retrouve jeune homme au regard clair et vif ; son prénom me revient, d’abord déformé, puis limpide, que je n’ose pas prononcer par peur de me tromper mais me murmure pour moi-même.

 

A. me raconte le lycée, ses questions restées sans réponse, son impatience d’être à demain, et puis me remercie d’une façon si belle que tout novembre en est momentanément métamorphosé.

 

Soudain tout fait sens : je sais que lorsque j’y retournerai, la salle, à nouveau, sera immense – et je n’y suis pour rien.

 

8 novembre 2016

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