Vigie, février 2013

 

 

MONTAGNE, FIN D’HIVER

Couchées sur les cristaux de lumière les abeilles sorties trop tôt agonisent.

Vieux pommier jeté à terre.

En haut de la vallée les nuages dessinent une réplique vaporeuse du mont du Grand Chat.

Neige lourde, épaisse, dans laquelle on s’enfonce.

On entend au loin la clameur des enfants.

Le cri d’un geai, les chants des mésanges, un avion qui passe.

Et de grands pans de silence entre chaque son.

Cette légère brise qui souffle encore à travers le redoux émeut plus que tout. Elle permet de ressentir la douceur. Ce qui perce partout sous ce paysage de neige, c’est bel et bien le printemps. Comment est-ce possible ? Comment tout cela peut-il être aussi bien réglé, dans les moindres détails ? L’abeille qui meurt dans la neige : on la regarde de près et c’est la perfection même. Le soleil fait reluire les irisations de la neige molle et l’on croirait voir l’écume figée d’un bord de mer. Nonchalamment le nuage se promène le long des crêtes et joue avec l’ombre.

Montagne, fin d’hiver.
 
On est bien dans cette fin, absolument pas pressé de voir la neige fondre et le printemps s’affirmer. On ne s’accroche pas pour autant au lieu, au moment ou, si on le fait (car on le fait quand même), c’est avec la légèreté du nuage sur les crêtes.

On est assis là contre un arbre. On est vraiment assis là, sur ce replat assez vaste au pied de cette montagne imposante. Au-dessus de nous les flancs couverts de pins de Belledonne, les crêtes enneigées, le ciel bleu, et les quelques nuages arrêtés. En contrebas la rivière qui gronde. Les enfants jouent dans un trou un peu plus loin, une assez large dépression qui leur sert de terrain de jeu.

Un signe de la main aux enfants.

La rumeur de la rivière, les trilles des passereaux.

À cette époque de l’année on n’entend presque aucun bruit humain. Le chant d’un monde insouciant des hommes s’élève. Le bourdonnement de l’avion, est-ce que c’est encore de l’humain ? À cette hauteur ! Distinction d’ailleurs tout à fait fallacieuse que le chant du monde ignore, lui qui mêle sans distinguo tous les sons de toute provenance…

Fin février 2013

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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