LA BASCULE
La route en juillet c’est, allez, un petit geste de bascule, une glissade imperceptible de limaçon sur la rambarde, une coquille qui se fissure, la lune qui roule sur la crête ou, à l’entrée du bois, cette frontière sans douane qui fait passer sans crier gare de la lumière à la pénombre.
On bascule. Les signes en sont peu perceptibles, voilés comme le bleu de ce ciel qui n’est plus si limpide. Ce sont des signes de petite inquiétude : sur la route la bogue sèche d’un hérisson mort, dans le sous-bois les barbes-de-bouc brûlées. Les jours ont commencé à raccourcir mais on ne le perçoit pas. Les martinets tournent autour des maisons où les enfants, d’abord heureux de leurs vacances, ont soudain peur de tant de liberté.
La route en juillet c’est ce petit mouvement qui suffit à faire passer le suicidaire de vie à trépas, si la corde tient. C’est la première goutte de l’hémorragie fatale, la première toux bien rauque du cancéreux qui se plaint de ce qu’il nomme son « mauvais rhume », le dernier virage avant l’accident, ou peut-être seulement, après une longue marche en montagne et l’arrivée au col, les premiers pas de la redescente, lorsqu’on constate qu’il est plus tard qu’on ne croyait, que le temps se gâte et que le retour, malgré toute la curiosité qu’on en a, ne se fera pas sans peine.
On hausse un peu les épaules en signe d’impuissance, puis on reprend la route.
1er juillet 2016