Vigie, février 2017

 

 

 

SANS FATIGUER

 

Vigiefévrier2017printemps

 

Un vent tiède a soufflé toute la nuit et chassé le lourd brouillard hivernal qui étouffait la combe. Plus de neige dans les champs jaunes. Peu de nuages dans le ciel bleu pâle où divague une lune encore presque pleine. Le jardin résonne des premières clameurs, et je sors les jumelles pour admirer, dans le prunier encore nu, une troupe de chardonnerets qu’a rejoint un couple de bouvreuils pivoine. Cette apparition, toujours miraculeuse, me déporte de vingt ans en arrière. 

On pense au passé, on ressasse. Trois images se fixent sur le ciel comme sur un écran : la terrasse en Dordogne sous le grand cerisier en fleurs ; cette autre terrasse du mas camarguais que balayait le vent ; un café parisien dont la grande baie vitrée donnait sur les marronniers en fleurs.

On sent le vent, on sent le vent tourner, on sent le temps changer, battre plus fort et plus vite son tempo. On sait que tout ira plus vite maintenant, qu’on va dévaler de plus en plus rapidement cette pente légère du printemps jusqu’au lac de l’été où l’on se reposera un moment avant de repartir. La première année de collège pour Léo, l’année où Clément apprit à lire, et ce petit printemps du livre seront vite passés. On passe, on passe un coup de chiffon sur la fenêtre et sur les meubles, on fait comme on dit un brin de ménage, on s’affaire, on recommence.

Fatiguant l’éternel recommencement ! Épuisant, les mêmes gestes tout le temps ! Les mêmes mots, les mêmes gens…

Le dire et s’en moquer, comme le fait avec un tel brio Jean Guidoni dans son tout nouveau disque, redire et reprendre par rapport à soi-même une saine distance, c’est peut-être une bonne façon de continuer avec allant, au fond, sans vraiment fatiguer.

 

13 février 2017

 

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