Vigie, février 2017

 

 

 

SANS SE BLESSER

 

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Dans la nuit elle me dit ainsi qu’elle a traversé un tunnel assez long et seulement éclairé par la lueur blanche de la sortie que lui masquait un coude. Le plafond bas l’a blessée à la tête, et elle me montre aussi son genou écorché. (Nous avions, de fait, visité ensemble un certain nombre de grottes en Dordogne, où elle était tombée et s’était blessée, puis à Madère, où le chemin des lévadas s’enfonçait parfois dans des tunnels étroits où résonnaient nos rires.) Je sais que je dois maintenant la quitter pour passer à mon tour dans ce tunnel, car c’est la suite de mon initiation. Il faut pour cela que je parte en pleine nuit, traverse la forêt, trouve et ouvre une lourde porte de métal. Je cherche, mais ne trouve pas, une lampe pour m’éclairer. Le rêve s’arrête là.

Temps morne. Le froid que j’aimais tant me semble insupportable, et je me surprends à rêver de migration vers le sud, de fleurs, d’eucalyptus, des forêts douces de mon île printanière. Mourir à Madère, ce serait aussi un beau titre, quoiqu’un peu amolli, emphatique, romantique ; mieux vaut Vivre à… (qui est déjà pris), ou bien Le livre de… − et poursuivre nonchalamment, sans s’affoler ni se blesser.

(Je garde trace de ces rêves et des quelques notes qui accompagnent l’écriture du livre, car ces traces constitueront la troisième strate, le troisième voyage de Madère en quelque sorte, qui se mêlera aux autres strates.)

 

11 février 2017

 

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