Vigie, mars 2024

 

Il faut faire quelque chose

 

 

L’hiver encore on peut risquer
une parole du réel
sans trop mentir
parce qu’il y a peu
mais vient un jour où ce n’est plus possible
même pour le bavard de faire jeu égal
avec la vie qui
déborde
qui reverdit et refleurit
qui papillonne multicolore
qui repavoise et qui plastronne
qui butine qui bouillonne
qui rebrasse les cartes et les redistribue
au hasard du grand jeu printanier
qui fait tourner la tête et fait oublier
au chien le coussinet blessé
qui gênait pour marcher mais pas pour
sauter dans les ronces
traverser le torrent
remonter redescendre en courant
ça y est on ne peut plus
dire
en gardant son calme
on ne peut plus
marcher ni parler
raisonnablement
il faut chanter et si possible
à deux voix comme les Mongols
à cent voix comme la forêt
on ne peut plus
parler
il faut
faire
quelque chose.

Dans les hameaux chacun s’affaire
les bèches retournent la terre noire
les masses martèlent
les tronçonneuses déraillent
les tracteurs renâclent
les enfants les poules les chiens
proclament :
il faut faire quelque chose !

Alors l’homme aux chiens blancs
comme un chien un enfant se met à quatre pattes parmi
les pousses parfumées de l’ail des ours
vert vif sur un parterre de feuilles mortes
il cherche
les premières morilles
et sa quête si bien l’accapare
qu’il se tait – fin du poème. 

20/03/24

 

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