Vigie, juin-juillet 2024

 

Temps terrible

 

 

Temps toujours terrible, terriblement tendu et instable, pluvieux, venteux, électrique, avec des ciels inquiétants qui succèdent à des ciels inquiétants, des tempêtes nocturnes qui vous réveillent en pleine nuit parce qu’on a l’impression que le toit va être emporté, et ce sable du désert qui recouvre tout d’une pellicule sale. Le souffle chaud qui accompagne les averses de mousson, les arbres abattus qui de nouveau font obstacle alors que le chemin venait d’être nettoyé, font comprendre d’évidence qu’on a changé de climat, presque de pays, et ce climat détraqué associé à la menace de l’extrême droite ainsi qu’à l’annonce hier de la mort du géopoète canadien Jean Morisset dont le grand rire, l’intelligence et la parole vont terriblement nous manquer, rendent plus que jamais fébrile et inquiet.

Je marche pourtant une fois encore sous la pluie battante le long du Gelon déchaîné, guettant avec les chiens le passage des bêtes. Un oiseau orangé que je vois s’envoler dans ce fouillis de feuilles et d’eau me rappelle les coqs de roche en Guyane. Je prends vite le rythme de vacances qui me convient, partageant l’emploi du temps entre la correction des copies du Bac avec Plume sur les genoux (et trop souvent sur le clavier), les travaux de mon futur bureau que je considère désormais comme la condition sine qua non de la poursuite des activités d’écriture (travaux dont je ne sais pas encore qu’ils m’accapareront jusqu’au 24 juillet et qui ne commencent pas très bien à cause de problèmes électriques, il y a décidément de l’orage dans l’air), les promenades avec les chiens et l’écriture le soir. Il y aura les escapades aussi, demain je vais revoir Lyon et si le temps le permet applaudir Clara Ysé sur la scène du théâtre antique : un moment mémoriel, tourné vers le passé, un autre vers l’avenir, c’est ce qui me convient.

Les impatientes lancent de plus belle vers le ciel gris leurs tiges monstrueuses. Le pont au-dessus du Gelon (que j’ai revu en photo il y a quinze ans avec ma chienne Patawa parce que je cherchais les images de la venue de Jean Morisset au Villard), est à présent barré par un tronc d’arbre qui en a défoncé la rambarde en métal. On ne passe plus, ou pas très facilement : que d’eau ! que d’obstacles ! Les chiens se dressent, bondissent et repartent de plus belle dans la boue ; puis le soleil éclaire assez cruellement une dernière image de nid jeté à terre par le vent nocturne.

21/06/24

 

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