Vigie, juin-juillet 2024

 

« Retour aux quartiers lointains » (Lyon)

 

 

Je marche en transpirant un peu sur le chemin retrouvé du Villard, avec encore en tête les images des avenues et des quais de Lyon que nous avons arpenté interminablement avec Élodie, ce week-end, pour ce qui fut sans doute l’un de mes plus beaux retours dans cette ville de Lyon où j’ai passé sept ans, lorsque j’étais étudiant puis professeur stagiaire.

J’ai revu le 23 de la rue Chevreul, où le figuier qui avait poussé en mon petit jardin pendant mon séjour à La Giettaz en septembre 96 est toujours bien vivant, seule et bien involontaire trace sans doute de mon passage. Ici fut hébergé Kenneth White, dont j’avais affiché partout le long du Rhône le portrait pour annoncer triomphalement la venue à l’Université Lyon 2 et à la Bibliothèque municipale !

J’ai revu l’horrible résidence du Préparc, rue des Émeraudes, tout près du pont de chemin de fer, sans retrouver en moi aucun écho de l’angoisse d’alors si ce n’est, de façon très fugace, un pincement au ventre lorsque je suis passé devant le lycée du Parc ou le long d’un certain mur sinistre que j’associais alors à la chanson de Vasca « Glaçon noir », et je me suis réjoui de ne plus être l’anxieux jeune homme pâle d’antan mais un adulte somme toute assez serein.

Le tour du Parc de la Tête d’Or fut à chaque pas une fête, tant la beauté et la richesse de ce lieu sont demeurées intactes, et intacte aussi ma capacité non pas à la dire, car je n’ai rien écrit pendant cette déambulation insouciante, mais à la savourer.

Au premier rang du Théâtre Antique de Fourvière, auprès d’Élodie et pas très loin du fantôme de ma mère, je me suis laissé emporter par la présence rayonnante, par la voix, par les mots de Clara Ysé, en lesquels semblent se prolonger et se réinventer Barbara, Anne Sylvestre, Ribeiro et bien d’autres, sans que pourtant on n’y pense. Je lui suis redevable d’une bonne partie de la douceur qui ensoleille mon chemin d’aujourd’hui.

Nous voici à couvert, cependant, dans cette partie de la forêt que j’aime particulièrement parce que les arbres sont très hauts et qu’on sent le souffle du nant. J’oublie Lyon. Après la chute au pied de laquelle les chiens pataugent longuement, le chemin toujours détrempé sent fort le fenouil et le thym. On adopte le pas tropical : lent, très lent, stop. Odeur de pourriture et de vase, moiteur, moustiques.

Malgré ces histoires de fenêtres et la beauté du monde, c’est vers cela que s’achemine juin, je le crains : la boue et les bottes, les temps de plomb de la peur.

25/06/24

 

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