Un toucan dans la nuit
Soudain tous les obstacles sont levés. Des inconnus sont venus, équipés de tronçonneuses et de débroussailleuses, qui ont rouvert le chemin. Le parcours du combattant qu’on faisait en rampant, en sautant, en se frayant tant bien que mal un passage entre les orties et les impatientes, redevient chemin royal. Quel plaisir que de parader en se tenant bien droit, à l’instar des hautes herbes nourries par les averses excessives. C’est un soir heureux, goûtons-en tout le suc ! Les faisceaux épars du soleil déclinant éclairent la brume sur la montagne et, très loin sur les crêtes sombres, les derniers névés.
Il fait presque nuit quand je sors. Il fait un temps à salamandre, avec beaucoup de lumière dans les ombres. Les cataractes sont formidables, j’aime quand l’eau déborde. Un tronc nu sur fond de ciel gris avec beaucoup de vert partout et la note lointaine, un peu mélancolique, flûtée, d’un oiseau qui est sans doute une grive musicienne, ravive le meilleur de mes sensations guyanaises : ce sentiment grisant de vivre dans un monde étrange et sauvage, aventureux et beau. Plus loin sur le sentier large à nouveau papillonne lourdement, gris luisant, le héron cendré qui fait du cabotage le long du Gelon. Tout est parfait, me dis-je, je suis ici chez moi sous l’arbre candélabre chargé de plantes épiphytes en forme de bouclier. Un toucan, ou un geai, traverse.
14/06/24