Vigie, novembre 2024

 

Un bon jour

 

 

Les grandes catastrophes du monde ne parviennent ici que floutées, diffractées, assourdies, comme une chute d’arbre entendue de très loin. On s’interpelle entre voisins, « comment ça va » et on répond que ça va. On parle du temps qu’il fait ou d’un terrain à vendre, on s’inquiète parce que la chienne boite un tout petit peu. Nouchka croque une châtaigne, et le son des clarines se mêle au bruit de mastication, aux cris des geais, aux rumeurs des tracteurs. On fait du ski en bottes sur le tapis de feuilles pendant qu’un roitelet huppé s’égosille. Les thuyas dégagent une odeur de punaise, les ronces une forte odeur de mûres : les fruits ont séché, l’odeur est restée, qu’on hume à plein nez.

Plusieurs voitures passent sur l’étroite route goudronnée qu’on emprunte pour revenir au village. À chaque fois, Rimski s’empresse de s’asseoir, puis attend sa récompense : tu vois, je ne saute plus après les voitures, cela mérite un biscuit ! Le pli est si bien pris qu’il salive dès qu’il entend un moteur, et s’en prendrait à la longe en grognant comme quand il était chiot si d’aventure j’étais à court de friandises.

Pour lui, pour les chiens, pour les bêtes du bois qui profitent de l’abondance et de la douceur, le 6 novembre 2024 est un bon jour.

06/11/2024

 

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