Paysages sonores
On longe l’enclos des vaches en remontant le pré ensoleillé, tout comme hier et avant-hier – avec cette différence que cette fois, il y a une vache qui est passée de l’autre côté, échappée donc, je ne sais comment, si bien qu’elle a pour elle seule le vaste champ où nous passons, mais la malheureuse reste couchée tout contre la clôture, comme punie, pendant que les autres broutent sans s’inquiéter d’elle ni de nous.
On se faufile sous les clôtures, on va de pré en pré. À l’endroit où l’on a surpris hier les trois chevreuils, Rimski et Nouchka tirent fort. Je prospecte pour trouver, le long de ce sentier sur lequel j’inaugure des tracés inédits, un lieu où entamer une nouvelle forme de dialogue. L’impulsion est venue de Fabrizio, qui souhaitait tenter quelque chose en extérieur avec l’alto, en lien avec les « lignes d’erre » de Deligny. Ce serait, ce sera, une sorte d’atelier d’écoute, de parole et de musiques pour tenter d’établir un lien avec le lieu.
Le protocole s’est imposé de lui-même : écouter les sons du vent dans les feuilles, dans les arbres, du torrent, les oiseaux s’ils chantent encore, et tout ce qu’on entend habituellement ; proposer une réponse musicale et parlée ; et puis, percevoir dans quelle mesure la dite réponse a été entendue. Peut-être qu’un oiseau va répondre ? Peut-être que les sons ainsi émis auront modifié notre propre perception ? On verra bien.
Toujours est-il que je cherche le lieu idéal. Peut-être sous ce grand hêtre devant lequel Rimski marque le plus souvent ? Si Rimski a choisi de marquer cet endroit d’une façon qui est pour lui riche en informations, c’est parce que c’est un lieu de passage privilégié, d’où l’on peut voir assez loin le ravin en contrebas et d’où l’on entend le Gelon sans qu’il recouvre tous les autres sons. Pourquoi pas ? À moins que l’on choisisse quelque arbre mort, ou bien un pont… Décidément, me voici engagé dans des pratiques assez clairement géopoétiques, tout comme il y a trente ans. On verra bien ce qui en sortira.
09/11/24