Je ne vois pas ce que les bêtes voient
Ce matin encore le brouillard tarde à se lever, à travers lequel se diffusent pourtant les clameurs des oiseaux. Depuis la fenêtre j’observe le beau bazar ornitho. Toute une troupe de pinsons du Nord orangés comme des feuilles d’automne sont arrivées avec le redoux, alors que je les attendais avec le froid. Il y a aussi un couple de gros-becs, et des dizaines de mésanges. Que trouvent-ils tous par là-bas, dans les bouleaux ? Une soudaine éclosion insectes ? Les premières tiques en tout cas ont fait leur apparition.
Du côté des blaireaux, rien ne vient vraiment confirmer que la femelle soit pleine, mais je peux observer un assez long accouplement (ils s’accouplent toute l’année mais davantage entre janvier et mars). Après un toilettage mutuel, le mâle monte sur la femelle et la plaque au sol en lui mordant le cou. Elle se laisse faire, jusqu’à ce que le mâle se mette à la secouer sans ménagement, ce que l’épaisseur de sa peau doit certes lui permettre d’endurer, mais qui finit par l’agacer : la scène vire au match de catch, et Vara file se réfugier dans le terrier, poursuivi par Cheg à qui elle interdit vigoureusement l’entrée en lui montrant les dents, en donnant des coups de griffes et en l’abreuvant d’un cliquetis d’insultes. Le mâle reste seul à l’entrée, un peu hagard et le museau terreux. Les prochains accouplements seront en revanche beaucoup plus tranquilles, et même marqués de ce qu’un œil humain ne peut interpréter que comme de la tendresse.
Mon inspection des bouleaux, d’où pinsons, gros-becs et mésanges entre temps sont partis, ne donne pas grand-chose. Je ne vois pas ce que les oiseaux voient. Les noisetiers sont certes en fleurs mais les saules marsault à peine en bourgeons. En contrebas la gouille reste silencieuse. Le héron gris se prépare à l’arrivée des grenouilles rousses : il ne quitte plus les lieux depuis une bonne semaine et on le voit chaque fois s’envoler pour se percher sur les épicéas.
Pour la première fois des protections vont être installées le long de la route pour empêcher le massacre des grenouilles qui chaque année me désole. Je participerai volontiers au dispositif, en allant faire traverser les grenouilles rousses prises au piège. Je suppose que les blaireaux, qui sont friands de grenouilles autant que de vers de terre, profiteront également de l’opération…
Je me dis, dans un bref accès de candeur et d’oubli, que ce printemps ne s’annonce pas si mal.
02/02/25