Vigie, mars 2025

 

Le film de la nuit

 

 

Depuis quelque temps les blaireaux semblent avoir réduit leur activité autour des entrées principales de la tanière, soit que la femelle attende des petits, soit qu’ils aient déménagé. Sur le film de la nuit je ne vois plus que les va-et-vient trépidants d’un mulot sylvestre qui s’affaire, qui s’agite, file jusqu’à un coin de terre qu’il renifle longuement, disparait dans un trou, réapparait plus loin, s’installe face à la caméra et semble la regarder de ses grands yeux incandescents, puis repart de plus belle, tantôt déployé, tantôt roulé en boule, comme s’il jouait à cache-cache avec lui-même. La hulotte qu’on entend hululer, les blaireaux dont il est également la proie, ne semblent pas l’inquiéter. Posé sur son arrière-train comme un écureuil (le piège en filme un, d’ailleurs, au petit jour), il mastique quelques graines invisibles. C’est la vie invisible que me permet de capturer le piège : grâce à lui, je ne pourrai plus jamais considérer de la même façon cette souche déracinée et ces quelques mètres de butte qui ont été mon long-métrage du soir.

25/03/25

 

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