Vigie, avril-mai 2025

 

Je veux tout ce que j’ai

 

 

Qu’elle fut brève, l’averse d’hier, qui a fait s’envoler des essaims de fragrances printanières et redoubler la pousse des feuilles et de l’herbe ! Entre les herbes presque hautes, les chats Plume et Dana suivent la marche nonchalante des chiens jusqu’au jardin d’Élodie. Un autour des palombes y a été aperçu récemment par Joël, confirmant mes propres observations, et j’ai vu également un aigle s’abattre en lisière du pré d’en face (troisième observation d’une telle scène dans les parages).

Au bord du Gelon, le héron gris par deux fois s’est posté devant la caméra, immobile, oscillant, hésitant dans la lumière froide du matin puis dans celle bien chaude du midi, avant de s’envoler. De l’autre côté de la rive une hermine est venue boire furtivement et puis, six ou sept sangliers de petite taille sont passés et repassés dans la nuit. Un grand cerf tout trempé enfin est venu, qui semblait chercher sur la rive sa parure d’automne réduite à deux moignons misérables…

Longeant le Gelon en quête du meilleur emplacement pour observer la faune (les chiens m’aident à trouver les coulées les plus fréquentées), j’oublie les petits et grands tracas du moment, la guerre, l’accident, l’absurdité de tout. Que le chemin que je suis tourne en rond ou se perde, que l’horizon ici soit barré, ce n’est pas un problème. Je dévale dans les feuilles à peine mouillées, remonte à travers les ronces dans lesquelles les chevreuils ont fait leur couche, suis une piste d’odeurs emporté par les chiens, voilà : assez de l’écriture et des livres et de tout, moi je veux des chevreuils, des hermines, des hérons, des sangliers, des fleurs, du soleil, des averses partout, je veux tout ce que j’ai, tout ce qui est donné, tout ce qui est.

Ce qui est, n’en finit pas de fluctuer, et que c’est bon ces nuages qui reviennent par l’ouest et ces chants des grillons qui montent du pré (je crois que c’est le premier jour où l’on entend à nouveau cette clameur). Je m’assois sur le château d’eau au-dessus du ravin et savoure en roi la rumeur du torrent, la rengaine du ramier. Une fois n’est pas coutume, c’est Nouchka qui a repéré l’écureuil : dressée sur ses pattes arrière, elle lance un petit cri d’alarme et Rimski rapplique aussitôt…

14/04/25

 

Ce contenu a été publié dans 2025. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.