Soleil et pissenlits
Grand soleil sur les pâquerettes et les pissenlits éblouissants qui, à force de se nourrir du soleil, finissent par tant lui ressembler. Les lourds escargots se replient dans leurs coquilles et les faons se tapissent dans les herbes. Chants d’insectes, asphyxie de pollen et de graminées.
Partout dans le pays c’est la grande migration de Pâques ; moi, je fais le même tour dans le même sens, j’assure la permanence. Ce jeune chevreuil que je croise chaque jour a eu le temps de nous voir et entendre venir, mais il n’a pas bougé. À mon grand étonnement il se dirige même carrément vers les chiens, qui s’en étranglent d’excitation, mais il me faut faire un détour jusqu’à ce qu’il daigne s’éloigner. Rimski et Nouchka dans les hautes herbes redécouvrent le plaisir de bondir après un criquet, moi celui, plus douteux, d’éternuer interminablement.
Je m’installe un moment en lisière. Deux buses se mettent à tourner au-dessus du chevreuil, et l’on voit le soleil à travers les rémiges déployées. Le chevreuil n’a rien à craindre des buses, mais il se met tout de même à couvert sans que je puisse dire avec certitude qu’il a perçu la présence des rapaces comme une menace.
Cri de la buse. Silence. Clarines… C’est le gars de l’autre versant qui est venu amener ses vaches hier dans le champ des Landaz, m’a dit M. Landaz – avant de raconter encore la vie d’antan, la vie du temps où il y avait du monde dans la vallée et deux bistros à La Table. Ce grand tas de caillasses au pied des châtaigniers est le fruit de décennies de labeur paysan, je sais – moi, j’y cherche des serpents.
Un instant je crois que Nouchka vient de pousser un petit cri en regardant passer le pic-vert, avant de comprendre que c’est le pic-vert qui a émis cet aboiement plaintif en regardant les chiens…
19/04/25