Avec le printemps, va…
Il y a tant à flairer, brindille après brindille, mais le meilleur est en lisière juste derrière le fil de fer barbelé… Soudain Nouchka se met à crier : ses longs poils blancs se sont entortillés, la voici prise au piège. Je la délivre. L’instant d’après, elle y retourne. Il y a tant à flairer le long de ce fil où beaucoup de bêtes avant elle ont accroché leurs poils…
Je m’assois sur le banc en ruine au pied du saule marsault qui donne sur la vallée. Ce banc, j’ai aidé à le transporter il y a bien des années, au temps où Pâques était une fête et où les enfants jouaient dans les bois avec l’avenir devant eux et toute l’insouciance du monde. Ma mère était en vie, qui aurait eu 81 ans aujourd’hui. Comment aurait été la vie si elle avait vécu ? — Meilleure, voilà tout.
Le printemps vire à l’été dans l’œil du chevreuil qui se souvient de nous. Il reste un petit coin d’insouciance du côté des pommiers. Je m’y adosse, puis reprends une de mes activités préférées : souffleur de pissenlits fanés, disperseur de graines.
Aurai-je loin jeté la graine
bonne ou mauvaise, dans le doute
je m’en remets à vos écoutes
me voici donc…
(pour le reste, la rime en -aine que je laisse au lecteur qui d’aventure ne connaitrait pas Jean Vasca le soin de deviner : déni total, je n’en parlerai plus).
Des chevreuils couchés on ne voit plus que les oreilles. Le soleil déjà trop vif nous chasse en lisière. Une sitelle lance ses trilles suraigus d’insecte tropical. Au fond du ravin passent des cerfs. Nouchka lance une plainte, bientôt rejointe par Rimski puis par tous les chiens de chasse du chenil d’en face, et la plainte devient universelle. Les cerfs passent, sans même hâter le pas. Puis on entend de nouveau le torrent, les oiseaux.
20/04/25