Vigie, avril-mai 2025

 

Élan vital

 

 

L’averse nocturne a rendu l’air plus respirable et relancé sous toutes ses formes l’élan vital. Comme les bambous amazoniens en saison des pluies, c’est presque à vue d’œil humain que l’on perçoit la pousse de l’herbe, le déploiement des fougères, la croissance des feuilles. Tous les oiseaux alentour ont branché leurs amplis pour un concert électro, et l’on entend à perte de forêt la grive musicienne qui improvise en virtuose, le rire du pic qui éclate, triomphal, réjouissant, les stridulations folles de la sitelle…

Je salue en passant le grand châtaignier rond du pré que j’ai si souvent photographié, qui est encore tout pâlot, transparent, on voit le champ à travers ses branches, mais dont je gage qu’il sera en feuilles avant ce soir.

Il y a des traces fraîches partout dans les coulées, des empreintes de cerfs sur la berge boueuse, traces discrètes mais bien lisibles qui disent aussi et transmettent l’élan vital des bêtes qui vont boire. Toutes les bêtes à leur façon écrivent, sans le vouloir, sans le savoir peut-être, indifférentes à ceux qui ne savent pas lire, aux distraits, aux pressés, aux illettrés, toutes les bêtes écrivent à leur insu des messages destinés à elles-mêmes autant qu’aux congénères de leur race ou d’une autre qui passent après elles et puisent dans ces signes scrutés, humés avec exaltation, quelques bouffées de force vitale.

Partout ça sent la feuille fraîche sortie toute imprimée de l’atelier du printemps, en route pour l’été, pour l’automne, pour les saisons futures ou l’éternité de l’instant.

27/04/25

 

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