Journal d’un méliphile, juin 2025

 

Que fait-il dehors ?

 

  

Ce n’est pas une heure pour sortir, 11h24, et pourtant Courage est dehors devant la gueule du bas, occupé à humer, n’osant tout de même aller plus loin. Qu’est-ce qui l’a poussé dehors ? Je risque trois hypothèse.

La première, c’est l’infestation du terrier par les puces – mais dans ce cas, il me semble que les trois blaireaux seraient dehors, que lui en tout cas se gratterait au lieu de humer ainsi, ou bien il ferait tout bonnement la sieste entre les racines, comme le font parfois les blaireaux à la belle saison.

La seconde hypothèse, ce serait que cette sortie soit liée à un incident dont j’ai malgré moi été l’acteur. Peu de temps avant cette sortie anormale, je suis en effet passé dans le pré voisin. En traversant les hautes herbes, je me suis trouvé face à un renard qui venait de capturer une assez grosse proie que j’ai d’abord pris pour un lièvre. Le renard a voulu s’enfuir en tentant d’emporter sa proie, qui lui a alors échappé et a couru vers moi en poussant des aboiements aigus : c’était un tout jeune faon, encore tout rayé, complètement affolé, à qui sa maman avait dû apprendre à rester immobile pendant son absence mais dont le renard a voulu faire son dîner (il aurait eu à manger pour une semaine, le bougre, il se contentera des campagnols qui pullulent). Le faon miraculé a fini par s’enfuir vers le bois où la chevrette l’a récupéré (je les ai vus ensemble plus tard, dans le grand champ). Il est possible que ses cris particulièrement sonores aient intrigué le blaireautin.

(Ce passage, si plus tard je fais de ces pages un livre, il faudra le réécrire en remplaçant le jeune chevreuil par un blaireautin qui manifestera sa reconnaissance en se jetant à mon cou avant que je ne le ramène à la blairelle qui, en me voyant, fera la danse du ventre, me lèchera les pieds et m’invitera à partager des lombrics dans son terrier. Succès éditorial assuré. J’intitulerai ça L’homme-blaireau.)

Je remarque cependant que le blaireautin n’est sorti qu’une demi-heure après les cris du faon, aussi me faut-il avancer une troisième hypothèse. Peut-être a-t-il senti que l’air a changé ? Les Alpes ont en effet arrêté l’immense nuage de fumée venu des méga-feux des forêts canadiennes, si bien qu’un étrange voile blanc stagne depuis ce matin sur les sommets. C’est peut-être pour cela qu’il hume à droite, hume à gauche, mon blaireautin – avant de rentrer dans son terrier.

08/06/25

 

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