Entre mustélidés
Il n’y a pas qu’au Villard que les blaireaux sont revenus. La caméra posée au jardin d’Élodie a filmé l’image de l’un d’entre eux passant près de la clôture, humant, disparaissant, et puis celle de la Citadelle posée la semaine dernière m’en apprend davantage.
Deux fantômes, deux discrets, deux curieux sont venus. Ils apparaissent dans le champ de la caméra que j’ai laissée braquée sur la gueule n°8, celle dont il m’avait semblé qu’elle était la plus susceptible d’être « active », mais ils n’en sortent ni y pénètrent : ils viennent d’un ailleurs situé quelque part dans le hors-champ de mon aveuglement, et ne s’attardent ici que parce que je m’y suis moi-même attardé, y laissant mon odeur. Moi qui pars du principe que les traces que je laisse ne peuvent être qu’une source de perturbation, je constate qu’elles sont manifestement une source de curiosité – en tout cas ce soir-là, et pour ces deux-là.
Deux heures à peine se sont écoulées depuis mon passage. Moi, je n’ai rien décelé qui trahisse leur présence en ce terrier que tout me portait à croire abandonné, et pourtant ils étaient bel et bien là : vivre l’expérience méliphile, c’est décidément se vouer à avancer en aveugle dans le terrier des mystères… Si j’étais resté embusqué là-haut, sur la corniche où Léo et moi avions tendu le filet de camouflage, je les aurais vu arriver, humer, s’en aller – j’aurais pu en voir et en savoir bien davantage ! Je me contente une fois de plus de ce fragment de 2’30.
Ils sont deux, mais je ne les vois pas sur le moment, bien sûr – mais une semaine plus tard, assis en nage près du terrier après avoir fébrilement inséré la carte dans le lecteur du téléphone – et je ne les vois pas non plus ensemble.
Le premier est un adulte assez fin, avec une petite marque à la base du cou côté gauche, peut-être Strella la fouisseuse. Iel hume l’entrée puis tous les alentours avec grand soin, et s’en va après avoir frotté sa glande subcaudale contre un morceau de bois. Le second, qui apparait 17 minutes plus tard, est un jeune de l’année, plus petit, plus fin, dont les poils ont été arrachés à trois endroits sur la partie gauche de sa zébrure sombre entre l’œil et l’oreille, et qui semble infesté de tiques (une très grosse derrière l’oreille gauche, une autre au cou). Appelons-le, ou appelons-la, Tic-tac. Tic-Tac, donc, flaire l’entrée de la gueule, puis partout mon odeur. Il disparait, revient aussitôt (son côté droit n’est pas marqué), flaire encore cette entrée où je n’ai pourtant pas pénétré, promis, mais devant laquelle il a bien fallu que je pose mes pieds pour me hisser à l’arbre d’où ces images ont été prises.
À leur suite une martre superbe effectue le même parcours, humant de la même façon : entre mustélidés on s’accorde très bien…
20/09/25