Journal d’un méliphile, septembre 2025

 

Le sentier des chamois

 

 

Le cri d’une buse, les sonnailles des brebis et un immense soleil d’automne m’accueillent. Une fois encore j’ai garé la Twingo dans ce lieu que je ne divulguerai pas ici. En passant je réveille les cochons laineux qui dormaient au soleil et qui ont sursauté, c’est dire s’il y a du passage. Ceux-là au moins ont une belle vie de cochon. Je les salue avec un brin de tristesse, car je me souviens qu’autrefois Clément en Normandie était tombé en amour de l’un d’entre eux, tant et si bien que j’avais été à deux doigts d’en adopter un comme animal de compagnie (cent cinquante kilos tout de même, l’animal, on l’a échappé belle).

Trêve de souvenirs. La futaie ici est superbe, et sauf erreur de ma part, ces traces dans la terre humide sont celles des chamois qui passent par ici. Je gagne une pessière dans laquelle les chasseurs ont laissé un agrainoir cassé, et une pierre à sel toute neuve : ainsi appâtent-ils les bêtes pour en faciliter la chasse…  Abois de chiens en contrebas, des chiens de chasse évidemment. Puis me voici au bord du sentier où j’ai repéré l’unique gueule d’un terrier périphérique. Deux chevreuils détalent dans le ravin, je suis les traces laissées par les bêtes juste au bord du ravin. Thibault ici même a filmé une fois une chouette hulotte qui chassait des lombrics, ainsi que de fréquents passages de blaireaux : j’y placerai bientôt une autre caméra.

Je traverse ensuite un effondrement de schistes au pied de la falaise, les grandes lauzes gisant en équilibre instable parmi les troncs tombés couverts d’épais champignons orangés ou bleutés. Je retrouve avec soulagement la caméra déjà placée mais pas encore camouflée – ce à quoi je m’attache à présent, en regrettant justement de n’être attaché à rien d’autre tant la pente est glissante…

La première étape, qui n’est pas la plus facile, consiste à retrouver le trousseau de clés des différents cadenas, puis la bonne clé, après quoi, cela va beaucoup plus vite dans le récit que dans la réalité, je récupère le piège.

Soixante-dix déclenchements : un pic noir lance un cri de triomphe, puis son martèlement accompagne le visionnage hâtif des images. Des sangliers sont venus à de nombreuses reprises mettre leur groin devant l’objectif, et l’on voit défiler le rouge-gorge, l’écureuil, le mulot, la martre, un grand cerf, le renard, puis le chamois enfin : l’image est belle dans ce paysage de forêt en automne. Le pic noir qui s’est posé juste au-dessus de moi lance à nouveau sa plainte sonore, et cette fois je le vois glisser le long du tronc. Il reste un certain nombre d’images à élucider, mais il est temps maintenant de passer à l’étape suivante : l’installation du nouveau piège camouflé, avec son masque. Même si tout cela manque de blaireaux, de lynx et de chat forestier (sans oublier le loup), il se confirme que ce carrefour est une zone de passage assez intéressante.

L’opération m’occupe un long moment, après quoi je file visiter mes terriers…

 

07/09/25

 

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