DU GARAGE
Chaleur moite, immense champignon d’orage au-dessus des crêtes. Je reste longuement dans la salle d’attente de ce garage avec l’impression de ne plus rien comprendre à rien : ni à ce que je suis censé faire ou attendre ici, ni aux paroles de cette femme qui m’accueille et parle trop vite.
Arrive un client, qui entame avec cette femme une conversation absurde. Lui s’exprime avec beaucoup d’hésitations et de lenteur, elle à toute vitesse, et le malentendu est tel que les réparations demandées ne pourront pas se faire (quand elle lui parle du côté droit de la voiture, lui comprend, faute d’un accord sur le point de vue, qu’il s’agit du gauche). En basse continue, pas si basse mais continue, la radio locale « Oxygène » — si peu en rapport avec ce lieu, avec ce nom qu’on a dû lui donner par antiphrase tant elle semble étouffante de niaiserie et de tintamarre.
Je tente de me réfugier dans le livre que j’ai apporté mais les mots sont brouillés par cette bouillie sonore, tout semble voilé comme par un brouillard toxique. Une odeur d’essence monte de mes mains qui me donne la nausée.
Je reste ainsi longuement à tenter de me frayer un chemin dans toute cette confusion.
Je n’y parviens pas.
Les notes aussi que je tente de prendre ne débouchent sur rien.
J’entame finalement une conversation avec la femme, puis avec le garagiste occupé à changer les pneus de la voiture. Passe alors, dans ces mots simples échangés à propos d’un enfant, quelque chose de touchant. Vie ordinaire, inconditionnellement respectable. Cette confusion, c’était la mienne seulement, projetée sur une situation claire.
(Au retour presque triomphal, la voiture roule mieux, les essuie-glaces neufs mettent à l’abri de l’orage qui menace ; j’éprouve pour cela une profonde reconnaissance.)
7 juin 2013