Vigie, octobre 2016

 

 

 

LES COULEMELLES (2)

 

Vigieoctobre2016coulemelles2

 

Pressé par le temps et ne pouvant de cet octobre flamboyant retenir la moindre flammèche, il me faut me contenter de ces images arrachées à l’autodafé de l’oubli – pour mémoire, donc, parce que je me suis dit, en regardant ceci, qu’il y avait matière à dire…

 

*

 

Ces heures passées dans la cuisine à nettoyer, laver, couper, cuire et faire rissoler l’énorme tas de champignons – parce que l’enfant insatiable a voulu retourner en ramasser encore et encore.

D’abord l’image est superbe : ces formes rondes couleur crème toutes striées de lignes chamois ; puis les chairs se défont, et on voit apparaître dans le bouillonnement de la cuisson des tentacules de poulpe, des fanons de cétacé, des morceaux de méduse, la bave et presque les pinces d’un crabe agonisant, un peu de vert, quelques algues, quelque chose de marin et de vaguement répugnant qui m’évoque certains tableaux dans lesquels Bonnard peint à la fois le bonheur domestique et le malaise qui le mine (je pense aussi à ces textes de Normandie que je m’étais promis d’écrire avant novembre et qui n’ont pas bougé d’une virgule).

Je tourne, je hume, je rôde, je rêve de Bonnard et de bords de mer, prépare les provisions pour l’hiver, tourne et retourne encore, pendant que le soleil rougeoie et, sans malaise, disparaît à la fenêtre de l’ouest.

 

26 octobre 2016

 

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